Le scolyte typographe, un petit coléoptère se nourrissant du bois de l’épicéa, a des alliés stratégiques qui lui permettent de coordonner de véritables attaques de masse sur les arbres : des champignons. Sous la supervision de Dineshkumar Kandasamy, une équipe de chercheurs de l’Institut Max-Planck d’écologie chimique d’Iéna (Allemagne) a étudié la relation qu’entretient le typographe avec certains champignons. Les résultats ont été publiés, le 21 février, dans la revue PLOS Biology.
Depuis 2018, une prolifération de scolytes a tué 60 000 hectares d’épicéas en France. A l’échelle européenne, les dégâts se chiffrent en millions d’hectares. Pourtant, l’épicéa dispose d’une arme redoutable pour se défendre : la résine. Elle est très efficace grâce à une action à la fois mécanique et chimique, collant et empoisonnant les insectes. La stratégie des scolytes typographes pour passer outre consiste à attaquer en très grand nombre un épicéa, jusqu’à surclasser ses capacités de défense, limitées tant la résine est coûteuse en énergie et en ressources.
Pour repérer un épicéa au milieu d’une forêt, un scolyte éclaireur va détecter certains composés volatils qu’il émet. Dès qu’une cible est trouvée, il va libérer des phéromones pour attirer ses congénères. Mais ce n’est pas tout, car certains champignons associés à ces insectes jouent également un rôle prépondérant. Le scolyte typographe possède dans sa cuticule une petite cavité destinée à transporter des spores, lui permettant d’ensemencer des champignons arbre après arbre. En retour, l’insecte bénéficie de l’affaiblissement des défenses de l’épicéa par le champignon. « La relation entre certains scolytes et certains champignons est très intime et ancienne dans l’évolution », rappelle Hervé Jactel, directeur de recherche en entomologie forestière à l’Inrae. Les travaux de Dineshkumar Kandasamy font prendre une nouvelle dimension à la complexité de cette entraide.
Des pièges à base de phéromones
Les chercheurs ont comparé en laboratoire le comportement de scolytes typographes face à des substrats, des géloses, à base d’écorce d’épicéa, dont certaines ensemencées par des champignons. Ils ont alors observé que les insectes ont été plus fortement attirés par les géloses ensemencées. Les chercheurs ont identifié les molécules ayant cet effet attractif et ont déterminé qu’elles étaient issues de l’altération par les champignons de certains composés volatils de la résine.
Pour parfaire leurs conclusions, les chercheurs ont mis en évidence sur les antennes du scolyte la présence de cellules spécialisées dans la détection de ces molécules. Les comportements des scolytes en présence de ces composés volatils altérés sont multiples, entre augmentation de l’effet des phéromones et incitation à creuser des tunnels, mettant en lumière un véritable système de communication chimique qui permet aux insectes d’évaluer l’intérêt d’un arbre et de coordonner leurs attaques.
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