LA LISTE DE LA MATINALE
Il y en a pour tous les goûts. Les journalistes du supplément hebdomadaire « Science & médecine » ont lu et choisi pour vous ces livres qui vous feront découvrir une mathématicienne du XVIIe siècle, féministe avant l’heure, côtoyer l’obsession contemporaine pour les chiffres ou mesurer les conséquences des rivalités entre l’X et l’ENA.
Incontournables chiffres
« Tout se discute, sauf les chiffres », a-t-on l’habitude d’entendre. Olivier Martin, sociologue et statisticien, oppose fermement un avis contraire dans un petit livre percutant, modèle de synthèse et de vulgarisation. Statistiques, évaluations, mesures, quantités, niveaux, échelles, indicateurs, taux, nombres, pourcentages, classements, notes, scores, indices… les chiffres sont ancrés dans notre société, revêtant « l’apparence de données neutres et objectives qui s’imposeraient à nous », rappelle d’emblée l’auteur. Or, s’ils « ont montré leur efficacité à décrire des phénomènes et à développer des technologies de pointe », leur présence a été renforcée par « l’idée que des lois scientifiques et quantitatives gouvernent le monde naturel et les affaires humaines ». Le grand philosophe des sciences Gaston Bachelard n’affirmait-il pas : « Voulez-vous croire au réel, mesurez-le » ?
Dans nos sociétés modernes, les chiffres « servent à élaborer des techniques de gestion pour les entreprises ou l’Etat », tandis que les notations et évaluations visent « à mesurer des aspects de nos vies personnelles, sociales, économiques ou politiques ». Pour Olivier Martin, qui est aussi directeur du Centre de recherche sur les liens sociaux (université Sorbonne-Nouvelle-CNRS), ces usages font l’impasse sur la fonction relationnelle du chiffre, car celui-ci met en contact « des individus, collectifs ou institutions qui agissent de concert en se référant à ce chiffre ». Historiquement, les humains ont quantifié pour se coordonner, s’entendre, échanger et collaborer. A l’instar de la pratique de l’arpentage dans les premières sociétés sédentarisées, dont la finalité n’était pas de connaître la géométrie des terrains, mais « de trouver des principes pour partager et échanger ».
Après l’essor, au XIXe siècle, des données statistiques, ces dernières occupent aujourd’hui une place considérable, souligne le chercheur. Couronnées de légitimité, elles sont à l’origine de services et d’instituts spécifiques, dont, en France, l’Insee est l’emblème, avec son slogan « Mesurer pour comprendre ». Tout en contribuant au développement des sciences, les statistiques portent sur tous les domaines…
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