vendredi, mai 17

Le scandale du Libor et de l’Euribor rebondit une nouvelle fois. Le 27 mars, après une décennie de procédures, une cour d’appel britannique a créé la surprise en confirmant la condamnation de deux traders, Tom Hayes et Carlo Palombo, accusés d’avoir manipulé entre 2005 et 2009 ces taux d’intérêt interbancaires, qui servent de référence à une grande partie des marchés financiers. Cette décision a entériné la place à part du Royaume-Uni dans ce dossier : plus aucune autre juridiction au monde ne condamne l’action de ces courtiers, depuis qu’une cour américaine les a innocentés en janvier 2022. Les justices française et allemande ont, elles aussi, de longue date, estimé qu’il n’y avait pas de faute pénale.

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Et voilà que les trois fondateurs de l’Euribor en personne font connaître leur consternation. Le jugement de la cour d’appel britannique était basé sur une interprétation « fausse et incorrecte » des règles qu’ils ont rédigées, écrivent dans une lettre commune Helmut Konrad, Nikolaus Boemcke et Jean-Pierre Ravisé, vendredi 19 avril.

« Non seulement c’est une erreur judiciaire, mais c’est un drame pour les condamnés », témoigne M. Boemcke. Au total, les vies de trente-sept traders ont été chamboulées par les différents procès, dix-neuf ayant été condamnées et neuf emprisonnées. Tom Hayes, un ancien courtier de UBS et Citigroup, a écopé d’une peine de onze ans de prison, et a passé plus de cinq ans derrière les barreaux, sans jamais cesser de clamer son innocence. Carlo Palombo a été condamné à quatre ans de prison et a assisté par téléphone à l’accouchement de sa femme.

Un tournant qui fait jurisprudence

Au moment des faits, le Libor et l’Euribor étaient déterminés chaque jour à 11 heures, quand un panel de banques informaient du taux auquel elles prêtaient ou empruntaient les unes aux autres. Une moyenne était effectuée. Mais à l’intérieur des banques, des traders pariaient aussi sur ces mêmes taux d’intérêt, créant un possible conflit d’intérêts : les banques pouvaient être tentées de soumettre un taux légèrement plus haut ou plus bas, en fonction de leur intérêt commercial.

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En 1998, lors de la création de l’Euribor, les trois auteurs du code de conduite avaient pris en compte ce problème. « On a créé un panel de 64 banques, certaines avaient besoin d’argent, d’autres voulaient au contraire prêter, et les intérêts de chacune s’annulaient. Qu’elles prennent en compte leur intérêt commercial était parfaitement normal », explique M. Boemcke.

La justice britannique en a décidé autrement. Dans le cas de Tom Hayes, un juge a affirmé en 2015 qu’il était interdit de prendre en compte son intérêt commercial. C’était un tournant, qui fait désormais jurisprudence. Le 27 mars, la cour d’appel a non seulement confirmé cette approche, mais elle est allée plus loin. D’après elle, les taux que les traders devaient soumettre chaque jour à 11h00 devaient être « le plus bas » possible.

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