samedi, juin 29

Des centaines de milliers de véhicules Citroën et DS ont été rappelés dans le monde en raison d’airbags défectueux.
Ils ont déjà provoqué au moins six accidents mortels.
Raïssa, défigurée par un morceau du mécanisme de son airbag, a accepté de témoigner face aux caméras de « Sept à Huit ».

Airbags défectueux : Citroën dans la tourmente

Airbags défectueux : Citroën dans la tourmente

« Par ce communiqué de sécurité, nous vous contactons pour vous informer que votre véhicule C3 est équipé d’airbags, fabriqués par la société Takata, susceptibles de provoquer des blessures graves, voire mortelles. Pour cette raison, Citroën vous demande de cesser immédiatement de conduire votre véhicule ». C’est une campagne de rappel d’une ampleur inédite en France. Depuis le 3 mai, le groupe Stellantis a demandé à 246.000 propriétaires de Citroën et de DS de ne plus utiliser leurs véhicules. En cause des airbags défectueux fabriqués par un fournisseur japonais. Au moins six personnes auraient perdu la vie en France. 

L’histoire commence dans les départements d’outre-mer par une série d’accidents. Comme celui de Raïssa, aujourd’hui défigurée. Le 24 octobre 2021, à un carrefour, près de Pointe à Pitre, la jeune femme est percutée à un croisement par une voiture qui a grillé un panneau Stop. Sa fille Naelia, huit ans à l’époque, est sur la banquette arrière. « Ma voiture a été projetée. J’ai entendu une grosse détonation. J’ai senti que mon visage me brûlait énormément et je criais : ‘Aïe ! Ma bouche, ma bouche ! J’ai chaud. J’ai mal' », raconte-t-elle dans l’enquête de « Sept à Huit » à voir en tête de cet article. Sa fille poursuit : « J’ai vu son visage, il était déchiqueté. On dirait que c’était une balle de fusil dans le visage », dit-elle. 

Raïssa est opérée en urgence. Une partie de son visage a volé en éclat. Au cours de l’opération, les médecins retrouvent logée entre son œil et son oreille une pièce de métal. Ce n’est pas une balle, mais un morceau du mécanisme de l’airbag qui a explosé au moment de son déploiement. Un second projectile a transpercé le pare-brise, un troisième, le sac de Raïssa placé côté passager. Pendant plus d’un an, Raïssa n’a pu se nourrir que d’aliments liquides. Elle a subi cinq opérations de reconstruction faciale avec prothèses, greffes d’os et de peau. 

Dieu merci, je suis encore là. Miraculée »

Raïssa

Déclarée inapte à reprendre son poste d’agent d’accueil municipal, la mère de famille vit aujourd’hui avec 600 euros par mois.

« J’étais quelqu’un de très actif. J’aimais aller faire des activités sportives avec ma fille, du roller, du vélo. J’étais dans un groupe de carnaval. Je peux plus faire ce genre de chose. Un airbag qui est censé vous protéger, mais qui vous donne la mort. Dieu merci, je suis encore là. Miraculée », lâche-t-elle. Avant de montrer son visage face à la caméra de « Sept à Huit », l’espace de quelques secondes, comme un cri d’alarme au nom de toutes les victimes

Au-delà de Raïssa, au moins sept blessés et cinq morts ont été identifiés dans les départements d’outre-mer : Réunion, Guadeloupe et Guyane, entre 2018 et 2023.  Selon les premières enquêtes, le modèle d’airbag défectueux se détériore suite à une exposition prolongée de la voiture à la chaleur et à l’humidité. En temps normal, l’airbag est censé se gonfler en cas de choc. C’est le générateur de gaz qui permet le gonflement du coussin. Mais sur le modèle mis en cause, l’air chaud et l’humidité s’infiltre, altérant ce gaz au fil du temps. Au moment du déclenchement, le gaz brûle plus rapidement que prévu. La pression trop forte fait alors exploser le boîtier en acier en projectile potentiellement mortel. 

Après un décès survenu outre-mer en 2019, la direction de Stellantis indique avoir envoyé à partir de 2020 une lettre de rappel à 19 000 propriétaires de Citroën et de DS dans cinq départements ultramarins, stipulant que des débris métalliques pouvaient se détacher et blesser les passagers. Tragique ironie pour Raïssa, elle n’a eu connaissance de la lettre que dix mois après son accident. Un premier courrier avec accusé de réception lui avait été adressé en janvier 2021, mais elle ne l’avait pas retirée à temps. Un deuxième avait été expédié à une ancienne adresse.

À Paris, son avocat, Charles-Henri Coppet, qui représente aussi six autres blessés graves et quatre familles endeuillées, dénonce une campagne de rappel insuffisante. « On a agi comme quand il y a un problème d’essuie-glace. Aujourd’hui, quand un concessionnaire veut vendre un véhicule, il n’envoie pas une lettre recommandée (…) Et si le client ne vient pas, il va plus loin. Il envoie des SMS, il met des flyers dans les boîtes aux lettres, ils font des pubs télévisées qui sont parfois formidables. Là, il n’y a rien de tout ça. Des vies auraient pu être sauvées, des familles auraient pu ne pas être déchirées et ce drame humain aurait pu être contenu », déplore-t-il. 

Un mois et demi après le début de la campagne de rappel, le groupe Stellantis affirme avoir remplacé les airbags de 35 000 voitures, soit moins de 15 % des automobiles rappelés. Résultat, des milliers de conducteurs en colère, dont la voiture est immobilisée, se sont rassemblés sur des groupes Facebook en vue d’une action collective pour réclamer une indemnisation. 

Retrouvez d’autres témoignages et l’intégralité du reportage de « Sept à Huit » dans la vidéo en tête de cet article.


V. F | Reportage « Sept à Huit »

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