Dans le débat sur l’euthanasie, on entend surtout des « experts » de toutes sortes, le personnel médical, les représentants des cultes… Les grands oubliés, ce sont les malades, directement concernés, du moins ceux qui envisagent éventuellement le suicide.
Il y a trois ans, on m’a diagnostiqué un syndrome de Parkinson. Le débat actuel, pour moi, n’est pas un affrontement de principes universels et désincarnés mais une question existentielle urgente qui me taraude au plus profond de moi-même.
Ce n’est pas parce que les nazis ont dévoyé le mot « euthanasie » qu’il ne faudrait plus l’employer. Il signifie une « bonne mort », c’est-à-dire une mort paisible, autant que possible. Une nouvelle loi devrait fixer les modalités de cette mort : acte létal ou suicide assisté, conditions à remplir…
Une écrasante majorité de soignants rejette l’euthanasie active. C’est leur droit le plus strict. Une petite minorité se dit prête à administrer un produit létal ou à accompagner le suicide. C’est amplement suffisant. Les autres ne devraient pas se sentir concernés. Peut-on imaginer que les anti-IVG imposent leur choix à toutes les femmes qui veulent interrompre leur grossesse ?
Le choc des traumatismes
Ceux qui demandent une aide à mourir revendiquent une liberté qui ne fait de tort à personne. Ceux qui ne veulent pas une légalisation de l’euthanasie ont le droit d’aller jusqu’au bout de leur vie et de leurs souffrances. Je respecte leur choix. Mais pourquoi refusent-ils aux autres le droit de partir un peu plus tôt ? Qui peut me dicter la façon dont je dois mourir ?
L’alternative, si je ne veux plus vivre, est un suicide violent ou une mort « douce », entouré des miens. Certes, un suicide, même non violent, reste un traumatisme pour les proches, mais assister pendant des mois ou des années à une lente agonie est encore plus traumatisant. Il arrive que des adversaires de l’euthanasie changent d’avis lorsqu’ils sont confrontés à leur propre souffrance ou à celle de l’un des leurs. Le théologien catholique Hans Küng s’est déclaré favorable à l’euthanasie après avoir vu son frère de 23 ans agoniser pendant des mois à cause d’une tumeur au cerveau et son meilleur ami, professeur comme lui, sombrer dans la démence.
Je revendique la liberté d’avoir une conception personnelle d’une vie qui ne me semblerait pas digne d’être vécue. J’ai le droit de trouver que ma vie pourrait ne plus avoir de sens, ne plus être en cohérence avec ce que j’ai été, et cela n’engage que moi.
L’acte létal, qui est pour certains un « assassinat », est vu par d’autres comme un acte d’humanité, de fraternité même. Anne Bert, qui souffrait de la maladie de Charcot et a bénéficié d’une euthanasie en Belgique, a écrit que le médecin qui l’a protégée des souffrances atroces qui s’annonçaient était « un juste » qui lui tendait la main. La compassion doit être plus forte que les principes, qui restent extérieurs à la réalité tragique d’une personne qui ne veut plus vivre.
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