Trois ans après les premières mesures qui ont marqué l’entrée dans la crise de l’épidémie de Covid-19, la France n’a toujours pas prévu de journée de commémoration pour les victimes de la pandémie. Et, plus largement, il n’y a aucune journée dédiée à celles et ceux qui ont, durant ces trois années, tout donné, parfois au prix de leur santé, voire de leur vie, pour lutter contre le virus et permettre au reste de la société de continuer à fonctionner. Ce silence pose problème. Car le travail de mémoire n’est pas qu’un acte symbolique, il est indispensable pour notre société.
Il s’agit, tout d’abord, de se souvenir de ce qui est arrivé pour en tirer des enseignements. Contrairement à d’autres pays, la France n’a pas engagé de travail de retour d’expérience en profondeur sur la gestion de cette crise, afin de ne pas mettre en cause les plus hautes autorités de l’Etat. Il en résulte un récit qui continue de mettre en avant le rôle de l’Etat dans la gestion de la crise, sans en questionner le bien-fondé ni les effets. Ce récit invisibilise le rôle de nombreux autres acteurs à commencer par les professionnels de santé, les métiers dits essentiels, mais aussi les associations, les collectivités territoriales… Or, pour se préparer aux crises à venir, il est nécessaire de tirer toutes les leçons de celle que nous venons de traverser à l’échelle de la société dans son ensemble, et pas seulement de l’Etat.
Une commémoration est une manière de mettre en scène la manière dont des individus et des groupes ont su faire preuve d’initiative dans un moment de tension majeure et nouer des formes de coopération inédites, sans forcément attendre que l’Etat ne s’engage ou n’organise la réponse.
Il s’agit aussi de rappeler que cette crise n’est pas encore terminée, du moins pas pour tout le monde. Si nous avons appris à vivre avec le virus, si nos services hospitaliers ne sont plus débordés, si les principales mesures prises durant la pandémie font partie du passé, il n’en demeure pas moins que s’expriment encore aujourd’hui des formes de désespérance, voire de souffrance sociale, qui ne concernent pas que les familles endeuillées.
Reconnaître la valeur des efforts
Cette crise a laissé des marques profondes, elle a fait des morts mais aussi creusé les inégalités, elle a sacrifié des étudiants, des professionnels et des malades, elle a parfois laissé un arrière-goût amer à tous ceux qui, applaudis tous les soirs au printemps 2020, se sont ensuite retrouvés rejetés dans l’anonymat et des conditions de travail plus difficiles qu’avant. Si cette crise a nourri d’incroyables élans de solidarité dans toute la société, elle a aussi fait des victimes, et pas seulement liées au virus. Commémorer la pandémie, c’est aussi reconnaître que ses effets ne sont pas tous derrière nous et que nous vivons encore avec cette crise et avec ses effets différés.
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