« Il y a eu des erreurs de faites de mon côté, je l’avoue. » Lorsqu’il s’adresse à ses salariés, le 2 mai – un échange enregistré, auquel Le Monde a eu accès –, Daniel Dimermanas, le patron des centres de santé Cosem, a changé de ton. Fini, la dénonciation de la « lutte des classes » et les menaces contre des salariés qui « [l]’emmerdent » ; place à la modestie, aux appels au « calme » et à la solidarité pour défendre « l’outil de travail » commun.
Un changement de ton auquel n’est sans doute pas étrangère la perspective, confirmée mardi 9 mai par le parquet de Paris, de l’ouverture d’une enquête, confiée à la brigade de répression de la délinquance économique, sur sa gestion de cette structure associative, à la suite d’un signalement de lanceurs d’alerte – parmi lesquels des membres du comité de direction, dont le directeur des affaires financières et la directrice des ressources humaines, ou du comité social et économique (CSE) –, mais aussi de la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM).
« En tant qu’avocat des lanceurs d’alerte, je me félicite que le parquet ait ouvert une enquête préliminaire », se réjouit auprès de l’Agence France-Presse Me Jérôme Karsenti, qui espère que l’enquête permettra aux centres de santé Cosem d’être « sauvés des pratiques prévaricatrices de leurs dirigeants ». Contacté par Le Monde, un porte-parole du Cosem assure : « L’ouverture de cette enquête préliminaire ne nous étonne pas, nous sommes sereins. Nos conseils ont déjà pris contact avec le procureur de la République afin d’apporter toutes les réponses utiles. » Avant de préciser « réserver [ses] commentaires à la justice ».
Hôtels de luxe et caviar
Comme l’avaient révélé, fin avril, Le Monde et la cellule investigation de Radio France, M. Dimermanas et sa famille, qu’il a salariée dans la structure ou dans ses filiales, ont pris les rênes en 2010, dans des circonstances troubles, de ce réseau associatif de centres spécialisés en soins dentaires, créé en 1945 et financé par des fonds publics.
Une fois à sa tête, le clan a opéré une série de montages destinés à en tirer un maximum de profits : Daniel Dimermanas y a employé son épouse, Isabelle, ses enfants et ceux de cette dernière, qui se versent des rémunérations importantes et multiplient les frais indus, entre séjours dans des hôtels de luxe, caviar et Uber, et jusqu’à des dizaines de milliers d’euros par an.
Ils vont également créer plusieurs sociétés satellites, dirigées par les enfants du clan, auxquelles le Cosem confie des tâches autrefois assurées au sein de la structure (fabrication de prothèses, télétransmission, formation…). Des salariés du Cosem sont amenés à travailler pour ces structures prestataires, en toute illégalité.
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