En ce qui concerne l’accompagnement de la fin de vie, des progrès ont certes été accomplis depuis la loi du 10 juin 1999 visant à garantir l’accès aux soins palliatifs, mais il reste encore beaucoup à faire : une inégalité de service persiste selon les régions (vingt et un départements ne disposent pas d’unité de soins palliatifs) ; à domicile, la pratique des soins palliatifs dépend de la bonne volonté de chacun et reste rare, erratique, dispersée. Ainsi, la proportion de décès à domicile reste au même niveau qu’il y a quarante ans, soit environ 25 %. A peine 40 % des personnes qui pourraient bénéficier des soins palliatifs y ont recours, et des situations de fin de vie intolérables persistent.
Cette carence des soins palliatifs s’explique par l’absence de diffusion de la culture palliative dans la médecine de tous les jours, imputable essentiellement à la résistance des soignants devant un « paradigme de soins » qui interpelle la médecine moderne surspécialisée et centrée sur le curatif, pour laquelle l’incurabilité et la mort sont un échec. De fait, la persistance d’une médecine individualiste, concurrentielle et hiérarchique s’oppose en tout point au travail en équipe interdisciplinaire, voire interprofessionnelle, où la parole de chacun – médecins, infirmiers, aides-soignants, pharmaciens, psychologues, kinésithérapeutes, bénévoles… – est prise en compte.
Cette résistance à la pratique palliative est justifiée depuis des années par le motif d’incompétence : « On ne sait pas faire. » C’est ainsi que nombre de médecins se défaussent de l’accompagnement des malades incurables sur les « spécialistes de la bonne mort », au risque de voir les unités de soins palliatifs débordées – d’autant qu’une partie de ces structures sont en manque de personnel.
Assurer une vraie continuité des soins
A domicile, le défaut de diffusion palliative a en outre été aggravé par une perte de la disponibilité des médecins. Au début des années 2000, les médecins ont modifié leur code de déontologie en supprimant la garde obligatoire constitutive de la profession, organisant l’impermanence des soins. La garde devenant facultative, il a été décidé que l’organisation de la permanence des soins relèverait du service public, et le volontariat a été décrété le 15 septembre 2003 (article R733 du Code de la santé publique). Cette absence des médecins la nuit et le week-end (et, de plus en plus, à partir du vendredi soir) se conjugue au développement de la pratique quasi exclusive et généralisée des consultations sur rendez-vous, ainsi qu’à la tendance à la diminution des visites, en particulier chez les personnes âgées et dans les Ehpad.
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