Dans les rayons grossesse des librairies, moult guides invitent la femme à accoucher en retrouvant « le pouvoir de son corps », « en pleine conscience » et « naturellement ». Avec le retour en force du tout naturel, l’accouchement par voie basse, avec un minimum de médicalisation, serait le moyen le plus désirable de donner naissance. Pourtant, certaines femmes demandent à accoucher par césarienne alors qu’aucune nécessité médicale ne l’impose et qu’aucune pathologie ne les en empêche. Certaines sont même déjà passées sur une table d’accouchement.
C’est le cas de Céline, 35 ans (le prénom a été changé). Alors qu’elle est enceinte de son premier enfant, son obstétricienne prévoit un déclenchement avant le terme en raison du poids important du bébé. « On ne me l’a pas présenté comme un choix, se souvient la jeune femme. Mais je n’avais pas de craintes. » Deux jours éprouvants s’écouleront avant que le fils de Céline ne voie le jour. L’accouchement est émaillé de nombreux actes invasifs : forceps dans le haut du bassin, épisiotomie conséquente et incision à vif d’une thrombose hémorroïdaire.
« C’était un peu une scène de guerre, résume-t-elle. A un moment, j’ai eu peur pour ma vie et j’ai supplié qu’on me fasse une césarienne. Mais il y a eu un acharnement du corps médical à me faire accoucher par voie basse. J’ai vu une psy et fait des mois de rééducation pour rattraper les dommages causés. » En plus de cauchemars, Céline évoque des douleurs pelviennes et des pertes fécales. « Une situation humiliante », se souvient-elle. Alors, quatre années après, elle n’envisage pas une minute d’accoucher par voie basse. « Dans l’idéal, j’aurais voulu avoir ma fille sans accoucher du tout, plaisante-t-elle à peine. Je redoutais que l’obstétricien n’accepte pas ma demande de césarienne. Mais il a compris ma détresse. »
Alexandra Bouchard, psychologue clinicienne et psychanalyste, reçoit à l’Hôpital franco-britannique les femmes en demande d’une césarienne sans indication médicale, si elles le désirent. « Les représentations conscientes et inconscientes de l’accouchement ont un réel potentiel traumatique et chaque femme s’organise comme elle le peut pour y faire face, explique-t-elle. Parfois, elles prennent un chemin de traverse tel que la césarienne. Mais ce n’est pas une solution magique et il est important d’entendre ce que les femmes expriment par cette demande. »
Des récits d’accouchements traumatisants
Dans un travail de recherche publié sous le nom de Césariennes sur demandes maternelles. Le féminin à l’épreuve de l’accouchement (Erès, 272 pages, 28 euros), elle recense ce qui pousse les femmes à demander une césarienne : la peur de conséquences néfastes de l’accouchement sur le sexe ou la sexualité, ou sur la santé actuelle ou à venir, la peur de perdre le contrôle et la peur d’un manque d’accompagnement dans le travail. Impossible de déterminer combien de futures mères sont concernées. On sait juste qu’en France le taux de césariennes, après avoir augmenté de manière régulière, s’est stabilisé à 21,4 % des naissances (Enquête nationale périnatale 2021) et que 32 % de celles-ci sont programmées (sans être nécessairement réclamées par la femme). Un taux relativement bas au regard de celui de 30,2 % pour cent naissances vivantes en 2015 en Allemagne, par exemple, ou de 53,1 % en Turquie, selon l’OCDE.
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