C’est une belle villa d’environ 140 m² dans le 15e arrondissement de Marseille. Elle trône sur un terrain de près de 450 m² où l’on trouve une piscine et même un poolhouse, une remise pour mettre le matériel. On y accède par la petite impasse de la Discorde, à un jet de pierre des cités des quartiers nord. Un îlot de tranquillité dans une zone à la mauvaise réputation. C’est là qu’un couple de trafiquants de stupéfiants vivait avant son arrestation et sa condamnation définitive, en 2022. Le mari, en récidive légale, a été condamné à sept ans d’emprisonnement ferme pour transport et importation de cocaïne. La femme, à dix-huit mois avec sursis pour non-justification de ressources. Mais, plus important : la justice a confisqué leur demeure, d’une valeur estimée à environ 500 000 euros.
Cette maison, c’est le dernier joyau de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Son conseil d’administration doit se prononcer à la mi-mars sur la réaffectation sociale de la villa. Normalement, elle devrait être attribuée à des associations marseillaises pour y héberger des femmes battues. Avant cela, il faudra tout de même effectuer quelques travaux : les anciens propriétaires ont, en effet, retiré les volets roulants, la robinetterie et les prises électriques… Il faut dire qu’en général la confiscation est particulièrement mal vécue par les délinquants et les criminels.
« Cercle vertueux »
L’idée d’une réaffectation sociale des biens confisqués fait son chemin depuis 2018, quand l’Italie a proposé de donner à la France le logement parisien d’un mafieux, à condition qu’il soit réutilisé à des fins sociales. La loi du 8 avril 2021, portée par le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui veut en faire une vitrine de son action, vient plus tard entériner le principe. Ainsi, il a remis les clés fin janvier, à Coudekerque-Branche (Nord), du premier immeuble confisqué et réaffecté. Une plaque a même été apposée, pour marquer la solennité de l’événement. Le bâtiment a été pris à un marchand de sommeil et sera réutilisé, après de nombreux travaux, par l’association Habitat et humanisme, pour loger des familles. « C’est un cercle vertueux partant de la saisie du bien à des délinquants jusqu’à sa réattribution sociale, estime le ministre de la justice. C’est le cas à Coudekerque. L’immeuble est désormais à destination de gens qui vivaient le même malheur que ceux qui y logeaient avant, mais qui pourront vivre dans des conditions dignes. »
« J’étais allé voir sur place, en Italie, avec la ministre de la justice, Marta Cartabia, comment des immeubles confisqués à la Mafia étaient mis à disposition d’associations, par exemple dans le domaine de la réinsertion, avance-t-il. Si on tape au portefeuille, ce n’est plus du tout la même chose. C’est une vraie punition. » Nicolas Bessone, directeur de l’Agrasc, abonde : « Les personnes lourdement condamnées cantonnent leur appel à la peine de confiscation. C’est la preuve que la confiscation fait son effet », veut-il croire.
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