samedi, décembre 6

  • Dans la restauration, secteur en tension depuis de longues années, l’embauche de travailleurs sans-papiers est devenue monnaie courante.
  • Pierre Pavy, un patron concerné, l’assume au point de déclarer ses employés illégaux.
  • Écoutez-le dans ce reportage issu de l’émission « Sept à Huit » sur TF1.

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Sept à huit

En cuisine, sur les chantiers, à l’arrière des camions-poubelles… En fait, dans les métiers en tension, les plus pénibles et les moins bien payés. Les sans-papiers sont devenus un rouage indispensable à l’économie française. Selon une étude relayée par le Medef, il faudrait, à l’horizon 2050, l’arrivée de 5,4 millions de travailleurs étrangers pour répondre au besoin de main d’œuvre en France. Mais pas besoin de se projeter aussi loin s’agissant du secteur de la restauration, auquel il manque déjà 135.000 paires de manches pour assurer les services, et qui a donc massivement recours aux embauches illégales pour compenser, comme le montre le reportage issu de l’émission « Sept à Huit », diffusé sur TF1 ce dimanche 30 novembre et à retrouver dans la vidéo en tête de cet article.

On y rencontre notamment Pierre Pavy, fameux restaurateur grenoblois qui, contrairement à beaucoup de ses confrères, l’assume. Cane, l’un de ses seconds de cuisine, fait ainsi partie des quelque 10.000 travailleurs étrangers régularisés en 2024. Toure, l’autre second, n’a pas eu cette chance : au bout de sept ans à travailler dans cet établissement, il demeure en situation irrégulière. Il avait rencontré Pierre Pavy au moment de son arrivée en France, quand il était encore lycéen. « Je passais tous les jours devant le restaurant en allant à l’école. Un jour, j’ai décidé d’aller parler au patron, pour voir si je pourrais faire un petit boulot à côté et me faire un peu de sous« , se souvient-il.

« Vous imaginez dans une grande ville ? »

Le restaurateur n’a pas oublié non plus : « Toure a senti qu’on avait des soucis pour installer la terrasse, alors il a dit que lui pourrait le faire. Il arrivait le matin à 7 heures pour faire la terrasse avant d’aller en cours. Et nous, quand on arrivait, la terrasse était mise. C’était incroyable. Donc voilà, de fil en aiguille, ça a démarré comme ça. Maintenant ils sont là, avec Cane. Ils ont réellement créé une ambiance et un travail que l’on respecte. On est obligé de respecter parce que, sans eux, on ferme.« 

 

L’emploi d’un étranger sans titre de séjour a beau être passible de cinq ans d’emprisonnement, 30.000 euros d’amende et d’une fermeture administrative de l’établissement, Pierre Pavy se dit « obligé » de témoigner à visage découvert parce qu’il n’arrive pas à recruter : « Aujourd’hui, on cherche encore sept personnes, pour nos trois restaurants. Par exemple, on cherche un chef de partie, pour un salaire de 2.300 à 2.600 euros net par mois, mais on ne trouve personne. Et si on regarde les offres d’emploi sur Grenoble, c’est ‘cuisinier’, ‘cuisinier’, ‘chef de partie’, ‘second de cuisine’…« , énumère le restaurateur en faisant défiler les annonces sur son écran. 

Puis d’ajouter : « On est à Grenoble ! On est une ville moyenne ! Vous imaginez dans une grande ville comme Lyon, Toulouse ou Nantes ? Ce sont des centaines de pages d’annonces. Mais aujourd’hui, les seuls qui répondent à ces offres d’emploi, ce sont les jeunes étrangers. Il faut les laisser entrer et leur donner des autorisations de travail. C’est indispensable. » Le restaurateur joint, du reste, la parole aux actes : malgré l’illégalité, Pierre déclare Toure depuis ses premiers contrats, avec une étonnante facilité. Il suffit de remplir une page dédiée. « On doit mettre le nom de naissance du salarié et ainsi de suite. Même si on n’a pas tout, ce n’est pas grave. Il nous manque toujours des choses, comme le numéro de Sécurité sociale… Toure a des fiches de paye depuis 2018, alors on remplit quand même, et le gars est inscrit. » La preuve : Pierre paye ses charges patronales et Toure, des impôts sur le revenu.

La rédaction de TF1info | Reportage « Sept à Huit » Michaël GUIHEUX, Pierre-François LEMONNIER, Valentin JEHAIN et Thomas DENIS

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