mardi, juillet 2

Safia Dahani est docteure en science politique, postdoctorante en sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et au Centre européen de sociologie et de science politique. Codirectrice de l’ouvrage Sociologie politique du Rassemblement national (Presses universitaires du Septentrion, 2023), elle y a rédigé un chapitre sur les reconversions partisanes.

Vous avez enquêté sur les « transfuges » au Front national (FN), devenu Rassemblement national (RN). De qui s’agit-il ?

Un transfuge, en politique, c’est quelqu’un qui quitte un parti pour en rejoindre un autre. Cela peut être un simple militant, un élu ou bien un cadre d’un parti. Les conversions au FN-RN ne sont pas nouvelles. Dans les années 1980-1990, on trouvait déjà des transfuges sur les listes frontistes pour les européennes. Ces trajectoires interrogent, car le FN a longtemps été stigmatisé, rendant les ralliements coûteux.

Aujourd’hui, avec les investitures croisées entre Les Républicains [LR] et le RN, l’idée d’un nouveau « Rassemblement pour la République », lancée [en 2023] par le transfuge Franck Allisio [ex-président national des « Jeunes actifs » de l’UMP, il avait été élu député RN des Bouches-du-Rhône en 2022], et le recrutement de chroniqueurs, essayistes ou sondeurs issus de la droite, le débauchage se poursuit, au local comme au national. Cela participe à la légitimation du parti… Les barrières tombent : être élu au RN ou recruté dans son administration ne semble plus poser problème pour une partie de la droite.

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Qu’est-ce qui pousse les transfuges à se rallier au FN-RN ?

Pour répondre à cette question, il faut se défaire, au moins pour un temps, des discours et justifications que mobilisent les transfuges eux-mêmes. Certains décrivent des « prises de conscience ». Il y a aussi les motifs idéologiques. Mais les ambitions individuelles ne sont jamais loin. De fait, les progressions [des transfuges] sont accélérées par rapport au parti d’origine, où ils devaient passer par des carrières politiques longues et très concurrentielles. Elles sont également plus rapides que celles des autres membres du FN-RN. Un exemple : en moyenne, les transfuges parviennent à intégrer le bureau politique deux fois plus vite que les dirigeants made in FN.

La plupart des transfuges ne suivent pas une carrière ascendante au FN-RN, du local au national. D’emblée, ils accèdent au « centre », par la grande porte : les instances dirigeantes, le cabinet de la présidence, la direction de fédérations importantes. Le tout en occupant très vite des postes d’élus locaux. Depuis 2011, le nombre de postes « distribuables » s’est accru, avec des poussées frontistes aux élections locales, législatives et européennes.

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