mercredi, mai 22
Portraits des huit victimes de l’effondrement de deux immeubles (survenu le 5 novembre 2018), rue d’Aubagne à Marseille, le 3 novembre 2020.

Le 5 novembre, un peu après 9 heures, comme chaque année depuis cinq ans, une foule silencieuse se regroupera rue d’Aubagne, à Marseille, devant « la dent creuse », cet espace couvert de ciment blanc, là où s’élevaient les bâtiments des numéros 63 et 65. Leur effondrement, le 5 novembre 2018, avait causé la mort des huit occupants présents dans l’immeuble du 65. Mais cette année, la commémoration aura un goût particulier. Deux jours après devrait débuter le procès des « auteurs indirects » de cette catastrophe.

Les juges d’instruction Nathalie Roche et Matthieu Grand ont diffusé, mercredi 17 avril, leur ordonnance de règlement, un document de 320 pages au terme duquel, ils ordonnent le renvoi devant le tribunal correctionnel de quatre mis en examen. Julien Ruas, un adjoint au maire à l’époque chargé de la gestion des risques urbains, Richard Carta, un architecte missionné quelques jours avant le drame pour une expertise du 65 rue d’Aubagne, le cabinet Liautard, syndic de cette copropriété, et la société d’économie mixte Marseille Habitat, propriétaire de l’immeuble vide du 63, seront jugés jusqu’au 18 décembre pour homicides involontaires et blessures involontaires.

Au fil de ce document, les deux juges du pôle accidents collectifs du tribunal judiciaire dressent un catalogue des fautes pouvant être reprochées aux quatre mis en examen « qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter ».

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Le 18 octobre 2018, dix-sept jours avant le drame, Richard Carta, expert désigné par le tribunal administratif dans le cadre d’une procédure de péril grave et imminent lancée par la municipalité marseillaise, commet des négligences, selon les juges. A leurs yeux, « son manque de curiosité est inexplicable », sa visite du bâtiment dont la façade porte d’impressionnantes lézardes ne va durer qu’une heure. Il ne descendra pas dans la cave dont les murs pleins d’eau sont une des causes de l’effondrement, limitant son intervention à la seule pathologie signalée par les services de la Ville, le bombement inquiétant d’une cloison du rez-de-chaussée.

Pour les juges d’instruction, cet « expert spécialement qualifié pour les bâtiments anciens ne pouvait méconnaître les principes constructifs de ces immeubles et leurs éventuelles faiblesses ». S’il avait visité les appartements, interrogé les occupants évacués avant que ne soit ordonnée leur réintégration, il aurait été alerté sur la multiplication des indices trahissant un mouvement structurel de l’immeuble : des portes qui ne ferment plus, des fissures qui s’élargissent, des pavés de verre qui explosent, des fuites d’eau à répétition…

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