vendredi, mai 3

LETTRE DE GENÈVE

Le Suisse Roger Federer portant des baskets de la marque On, lors d’un match contre l’Allemand Dominik Koepfer, au tournoi de Roland-Garros, le 5 juin 2021.

D’un côté, les professions de foi grandiloquentes, disponibles d’un clic sur le site de la marque, au chapitre « durabilité ». Comme celle-ci : « Nous innovons pour l’humain et la planète. Dans le futur dont nous rêvons, tous nos produits seront réalisés sans énergie fossile et pensés pour être circulaires – tout en garantissant l’équité et en célébrant la diversité. » Ou encore : « Notre aventure a débuté dans les Alpes suisses, notre terrain de jeu au quotidien. Notre connexion à la nature nous aide à garder de vue nos priorités. »

De l’autre côté, une réalité économique sur laquelle la marque On avait jusqu’ici oublié de communiquer. Malgré le petit drapeau suisse qui figure parfois à l’arrière de ses baskets, elle les fait fabriquer au Vietnam et les commercialise avec une marge tellement sidérante que le magazine helvétique des consommateurs Ktipp vient de consacrer une enquête à ses prix « scandaleux ».

Ainsi du modèle Roger Advantage, qui rapporte 17,86 francs suisses (environ 19 euros) au fabricant vietnamien, et que l’on retrouve à 190 francs dans la boutique en ligne pour les clients helvétiques. Même après déduction des frais de transport (1,70 franc par paire) et de douane ainsi que de la TVA (8,1 % en Suisse), la marge reste ébouriffante. Pour les chaussures de randonnée comme le modèle Cloudtilt Loewe, les coûts de production sont annoncés à 20,80 francs, tandis que On facture la paire 445 francs, vingt fois plus. D’autres marques concurrentes, comme les Allemandes Adidas et Puma, qui font également fabriquer leurs chaussures au Vietnam, souvent dans les mêmes usines, travaillent avec des marges quatre fois inférieures.

Marque développée par un champion de duathlon

« La gestion durable consiste à partager équitablement les fruits de la création de valeur », note Oliver Cassen de l’ONG Public Eye, qui publie des rapports d’enquête sur les conditions de travail dans la filière mondiale de la mode et de l’habillement. Elle avait déjà épinglé Roger Federer lors de la signature de son contrat avec la firme japonaise Uniqlo, soupçonnée de profiter du travail forcé des Ouïgours dans les ateliers-prisons du Xinjiang (Chine). En 2018, la marque de prêt-à-porter avait réussi à piquer la superstar helvétique à l’équipementier américain Nike pour un accord à 300 millions de dollars qui court jusqu’en 2028.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’Europe importe toujours des produits issus du travail forcé des Ouïgours

La marque On a été lancée en 2010 par un champion suisse de duathlon qui avait développé, avec un ingénieur de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, un système permettant d’amortir les chocs pendant la course. Les fondateurs de cette entreprise zurichoise avaient contacté Roger Federer après l’avoir aperçu avec un de leurs modèles aux pieds, lui proposant de prendre une participation dans l’entreprise, ce qu’il a fait en 2019.

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version