vendredi, mai 17

Livre. Parcourant l’Asie, notamment le monde chinois, depuis près d’une quarantaine d’années, Dorian Malovic, journaliste à La Croix, est un amoureux déçu. Comme nombre d’Occidentaux de sa génération, il a longtemps placé ses espoirs dans l’ouverture et la démocratisation de la Chine. Or, c’est l’inverse qui se produit. « Je me sens trahi », reconnaît-il d’emblée. Contrairement à ce que le titre de son dernier livre laisse penser, Requiem pour Hong Kong (Bayard, « Bayard Récits », 272 pages, 19 euros), raconte moins le déclin de cette région administrative spéciale que ce lent désamour.

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Reprenant les notes griffonnées au cours de ses innombrables reportages, Dorian Malovic nous replonge dans le Hongkong d’avant et d’après la rétrocession, en 1997, mais aussi dans la Chine de l’après-Tiananmen, dans le Tibet de 2013 et dans le Xinjiang, où le journaliste s’est rendu en 2015. Des lieux évidemment pas choisis au hasard. « La Chine a mis cinquante ans pour assassiner le Tibet, une vingtaine d’années pour massacrer le Xinjiang et… une année à peine pour écraser Hongkong, en 2019 », écrit-il.

Comme souvent dans ce genre d’ouvrage, ce sont les souvenirs les plus anciens qui sont les savoureux et les plus éclairants. Comme ces Ouïgours croisés dans les années 1990 à l’est de la Chine et qui, « profitant de leur statut de minorité et de la crainte qu’ils suscitent auprès des Chinois, car ils portent toujours sur eux un long poignard à lame courbe, ont le monopole des banques des rues ». Une scène évidemment inimaginable aujourd’hui.

« L’argent a corrompu les cœurs »

Mais la Chine a-t-elle « trahi » les Occidentaux ou ceux-ci se sont-ils auto-intoxiqués, refusant de voir la réalité ? Ainsi, le jour même de la rétrocession de Hongkong à la Chine, dans la nuit du 1er au 2 juillet 1997, le tout nouveau Conseil législatif, nommé par Pékin, vote treize lois restreignant les libertés, rappelle M. Malovic. Des décisions passées inaperçues à l’époque, mais qui, avec le recul, prennent tout leur sens.

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L’autre intérêt du livre est de reconnaître que, dans ce pays-continent, la réalité est toujours plus complexe qu’on l’imagine. En 1991, alors que les médias internationaux ne parlent que de la répression et de la surveillance policière, Dorian Malovic – on ne peut le soupçonner de complaisance avec le régime communiste – est surtout frappé, lors d’un voyage dans le sud du pays, par l’essor économique : le business « légal et illégal » qui domine tout. Une dynamique qui touche tous les secteurs de la société et qui durera une trentaine d’années. Commentant une visite dans les bas-fonds interlopes de Dalian (province du Liaoning), en 2012, il conclut : « Le communisme est mort, mais l’argent a corrompu les cœurs. »

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