Colima, au Mexique, ne truste plus la première place du classement des villes les plus violentes au monde. Elle vient d’être doublée dans ce triste palmarès par Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Selon une étude mexicaine réalisée par le Conseil Citoyen pour la Sécurité Publique et la Justice Pénale, relayée en début d’année par Libération, la métropole haïtienne ravagée par la violence a enregistré un taux de 139,3 homicides pour 100 0000 habitants en 2024. Aucune autre ville dans le monde n’obtient des résultats aussi alarmants. Ce chiffre inquiétant place la capitale haïtienne devant toutes les autres métropoles étudiées même si les villes mexicaines, fidèles à leur réputation, restent largement majoritaires : elles sont 20 à figurer dans le top 50 et 7 dans le top 10. Dans le reste du classement, 8 villes se trouvent au Brésil, 6 en Colombie, 5 en Afrique du Sud et 5 aux États-Unis.
Dans cette capitale où (sur)vivent 3 millions d’habitants, la violence règne à tous les coins de rue. Les puissants gangs haïtiens, qui contrôlent au moins 85% de Port-au-Prince, sèment la terreur dans toute la ville. Dans la capitale et dans l’ensemble du pays le plus pauvre des Amériques, la situation humanitaire est « la pire que quiconque ait vue depuis des décennies’ sur l’île d’après la directrice exécutive du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) Catherine Russell en mars 2024. Ce qu’il se passe actuellement à Haïti est « horrible » et « presque sorti d’une scène de ‘Mad Max »’, film qui dépeint un futur post-apocalyptique, décrivait la directrice générale de l’Unicef l’année dernière. La situation a encore empiré depuis.
Le nombre de personnes déplacées a triplé en un an, passant de 315 000 en décembre 2023 à plus d’un million selon les chiffres de l’ONU. À Port-au-Prince, théâtre d’une flambée de violence depuis le début de l’année 2024, les bandes criminelles qui terrorisent la population multiplient les exactions. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a évoqué les « craintes d’un effondrement imminent de la présence de l’État à Port-au-Prince » où « 1086 personnes ont été tuées et 383 blessées » en février et mars 2025.
Signe d’un climat de terreur, Médecins sans frontières a annoncé le 8 avril stopper ses activités à Port-au-Prince après qu’un de ses véhicules a été criblé de balles.
Terre de violences, Haïti a été frappé par un grand malheur le 12 janvier 2010 lorsqu’un séisme de magnitude 7 sur l’échelle de Richter a complètement ravagé le pays et sa capitale Port-au-Prince. En moins de trente secondes, les secousses dévastatrices ont tué 280 000 personnes et fait 300 000 blessés et laissé. Ce drame d’une ampleur sans précédent a aussi occasionné le déplacement de plus d’un million de sinistrés. Outre les pertes humaines, la majorité des édifices tombe à l’image du palais présidentiel lourdement endommagé par le tremblement de terre.
Quinze ans après le chaos, cette catastrophe continue de marquer au fer rouge la mémoire collective haïtienne et reste un symbole de vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, dans un contexte de pauvreté et d’instabilité.
Quand on dit ville francophone et Amérique, on ne pense pas forcément à elle et pourtant, celle qui est parfois surnommée « la perle des Antilles » est la deuxième ville francophone d’Amérique, derrière Montréal. Au niveau mondial, Port-au-Prince se classe treizième.
Néanmoins, si le français est souvent maîtrisé comme seconde langue, le créole reste la langue majoritaire dans la vie de tous les jours dans ce pays de 11 million d’habitants. Colonie française jusqu’au début du XIXe siècle, la jeune nation caribéenne a proclamé son indépendance le 1er janvier 1804 pour devenir la première république noire libre au monde. Il faudra 21 ans pour voir la France reconnaître son indépendance, tout en lui imposant une lourde charge. Par ordonnance, le roi Charles X avait contraint Haïti à dédommager les colons expropriés durant la guerre d’indépendance. Deux siècles plus tard, le 17 avril 2025, Emmanuel Macron a reconnu « la force injuste de l’Histoire » qui a frappé Haïti, dès sa naissance en tant qu’État.