mercredi, septembre 25

A moins d’une semaine d’intervalle, Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin ont exposé, sous des formes différentes, deux stratégies électorales pour la gauche. En marge d’une manifestation fustigeant le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon, le chef de file de La France insoumise (LFI) a expliqué de manière crue à des militants l’intérêt de concentrer les énergies sur un segment particulier de l’électorat populaire, celui des quartiers. En rupture de ban avec LFI, le député de la Somme François Ruffin a dénoncé quant à lui cette lecture « spatiale » et « quasi raciale » des classes populaires se substituant à celle fondée sur les classes sociales constitutive de l’identité historique de la gauche. Contre cette approche segmentée, il prône la reconquête de l’ensemble des classes populaires dont le divorce avec sa famille politique est acté depuis longtemps.

Entre les lignes, il s’agirait de retrouver un paradis perdu, celui de l’union de la gauche des années 1970 entre le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste (PCF), au cours duquel ces deux formations captent une large majorité du vote populaire. Au second tour de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand recueille 72 % du vote des ouvriers et 62 % de celui des employés se rendant aux urnes.

Dans les années 1980, le chômage de masse, très lié à l’accélération de la désindustrialisation, précipite la fragmentation du monde ouvrier en même temps qu’il affaiblit les syndicats, jusqu’alors vecteur privilégié de la politisation à gauche de ces couches sociales. La transformation du système de valeurs dominant en Occident, dont témoigne la place de plus en plus centrale accordée à l’épanouissement individuel et à la liberté de choix, rend moins audible le plaidoyer traditionnel des gauches pour la solidarité et l’entraide.

Hémorragie

En se résignant rapidement à mettre en œuvre une politique d’austérité au nom des contraintes de la mondialisation libérale et de la construction de l’Europe, la gauche au pouvoir érode sérieusement son assise populaire. Le PS ne s’inquiète pas de cette hémorragie avant la défaite traumatique de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle du 21 avril 2002. L’avertissement lancé au cours de la campagne par l’ancien premier ministre Pierre Mauroy, qui enjoint au candidat socialiste de ne pas considérer le terme « ouvrier » comme un « gros mot », reste sans effet : 13 % d’entre eux seulement lui accordent leur suffrage.

La rupture acide entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin ne doit pas faire oublier que le premier a longtemps défendu la stratégie de reconquête prônée par le second. En 2005, le courant mélenchoniste Pour la République sociale signe avec les partisans de Laurent Fabius une motion commune dans la perspective du congrès tenu par le PS au Mans en novembre. Rassemblant les soutiens du non à la Constitution européenne, le texte appelle à renouer avec « la France populaire, celle des ouvriers, des employés, des petits agriculteurs et artisans qui voient leur statut et leur existence se dégrader ».

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