jeudi, janvier 9

Histoire d’une notion. Le club des êtres « sentients » s’agrandira-t-il encore en cette année 2025 ? Les frontières de la « sentience », cette capacité à ressentir des émotions et à percevoir de manière subjective son environnement et ses expériences, ne cessent en effet de reculer. Après les mammifères, les oiseaux et la plupart des animaux vertébrés, c’est au tour des céphalopodes – poulpes, seiches et autres pieuvres – et des crustacés décapodes – crabes, homards et crevettes – de se voir reconnaître la capacité de ressentir douleur et bien-être et d’adapter leur comportement en fonction de leurs expériences vécues.

Selon la sémioticienne Astrid Guillaume, maîtresse de conférences à Sorbonne Université, le terme anglais de « sentience », « qui vient du latin “sentiens”, est utilisé outre-Manche depuis le début du XIXe siècle par certains savants pour qualifier l’expérience du monde des animaux qu’ils considèrent les plus “évolués” ».

La sentience discerne en effet un palier entre la sensibilité – au chaud, au froid ou à la lumière, partagée par un grand nombre d’êtres vivants dont les éponges et des végétaux – et la conscience, c’est-à-dire la connaissance par un individu de son existence et de celle du monde extérieur, encore généralement considérée comme l’apanage des humains et des grands singes.

Animal-machine

De plus en plus utilisé à la fin du XXe siècle, tant par des chercheurs en neurobiologie et en éthologie que par les militants de la cause animale, le concept est notamment formalisé, dans les années 2010, par le biologiste britannique Donald Broom, qui lui consacre la somme Sentience and Animal Welfare (CABI, 2014). Le terme est peu à peu traduit dans d’autres langues – en italien (« senzienza »), en espagnol (« sentiencia ») et, bientôt, en français (« sentience »).

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Dans l’Hexagone, l’introduction de la notion suscite des résistances. En 2015, la demande faite par des associations et des personnalités engagées dans la protection animale en vue d’inscrire le mot « sentience » au dictionnaire de l’Académie française est refusée, le mot n’étant pas considéré comme assez usité, raconte Astrid Guillaume, qui plaide pour la reconnaissance du terme depuis des années. En 2018, l’Académie vétérinaire de France ne le juge pas « pertinent », tout comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui estime que « sensibilité et conscience restent suffisants pour traduire l’ensemble de la palette des caractéristiques psychiques des animaux ».

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