vendredi, octobre 18

INTERNATIONAL – L’armée israélienne le traquait depuis des mois, ravageant au passage la bande de Gaza. Yahya Sinouar, tête pensante du Hamas, dont il avait pris la direction depuis la mort d’Ismaïl Haniyeh cet été, a été tué lors d’opérations dans la bande de Gaza, a annoncé ce jeudi 17 octobre l’armée israélienne.

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Chef depuis 2017 du mouvement islamiste palestinien à Gaza, il était, à 61 ans, l’un des cerveaux du 7 octobre. « C’est sa stratégie, c’est lui qui a monté l’opération » probablement pendant un an ou deux, explique à l’AFP Leïla Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP) à Paris.

L’homme ascétique, à la chevelure blanche mais aux sourcils fournis noirs, « a imposé son tempo pour changer le rapport de force sur le terrain et a pris tout le monde par surprise », selon elle. Celui qui était qualifié de « visage du diable » ou de « mort en sursis », selon les termes de l’armée israélienne, n’était pas apparu en public depuis octobre 2023.

L’armée israélienne avait publié en février une vidéo le montrant, selon elle, dans un tunnel le 10 octobre, trois jours après l’attaque du Hamas en Israël. Les images, issues d’une caméra de surveillance trouvée par les forces spéciales, le montraient avec sa famille. « Cette traque ne s’arrêtera que lorsque nous l’aurons capturé mort ou vivant », avait alors déclaré le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari.

Un dirigeant « totalement intransigeant »

Il avait rejoint le Hamas dès sa création, en 1987. À 25 ans, il dirige déjà l’Organisation du jihad et de la prédication, l’unité de renseignement du Hamas qui punit les « collaborateurs », ces Palestiniens châtiés pour intelligence avec l’ennemi israélien. Puis en 1988, il fonde Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas.

Incarcéré en 1989, il s’impose par la suite en leader des prisonniers. Condamné plusieurs fois à la perpétuité, il sort en 2011 avec un millier de détenus libérés par Israël, en échange du soldat Gilad Shalit, otage du Hamas pendant cinq ans.

Yahya Sinouar voit alors Israël éliminer ses mentors, notamment le cheikh Ahmed Yassine, fondateur du Hamas, et Salah Chehadé, fondateur des brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du mouvement, dont il passe pour le bras droit. Placé sur la liste américaine des « terroristes internationaux », il fait lui-même l’objet de multiples tentatives d’assassinat.

À partir de 2017, il impulse une stratégie « radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique », décrypte Leïla Seurat. « Il ne prône pas la force pour la force » mais « pour amener (les Israéliens) aux négociations ». « C’est quelqu’un dont le Hamas sait qu’il est totalement intransigeant », ajoute Tahani Mustafa de l’International Crisis Group (ICG).

Les médias israéliens ont notamment publié des extraits de ses interrogatoires. Il y raconte avoir enlevé un traître, conduit au cimetière de Khan Younès : « je l’ai mis dans une tombe et étranglé avec un keffieh (…) il savait qu’il méritait de mourir ».

Il avait promis une « longue guerre d’usure » à Israël

Sur le plan politique, il prône une direction palestinienne unie pour tous les Territoires occupés : la bande de Gaza, tenue par le Hamas, la Cisjordanie, administrée par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, et Jérusalem-Est.

« Il a fait savoir qu’il punirait quiconque tenterait d’entraver la réconciliation avec le Fatah » (le parti présidentiel, NDLR), rappelle le European Council on Foreign Relations (ECFR). « À plusieurs reprises, il a proposé une trêve de longue durée avec Israël si le pays se retirait de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est », rappelle Khaled al-Hroub, spécialiste du Moyen-Orient à l’université Northwestern au Qatar.

Coûte que coûte, il entendait forcer Israël et le monde à s’intéresser au sort des Palestiniens. La stratégie de la respectabilité des « politiques » du Hamas échoue : il choisira la violence. À la mi-septembre, il avait affirmé que le Hamas était prêt pour une « longue guerre d’usure » contre Israël avec le soutien du Hezbollah libanais, des rebelles houthis au Yémen et de l’Iran.

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