lundi, juillet 8

Alors que les appels à son retrait se multiplient, Joe Biden s’apprête à accorder une interview très attendue à la chaîne ABC.
C’est le journaliste vedette George Stephanopoulos qui questionnera le président contesté jusque dans son propre camp.
Portrait d’un fin connaisseur de la politique américaine dont la carrière a débuté dans les couloirs de la Maison Blanche.

Après son débat catastrophique face à Donald Trump, suivi de multiples appels au retrait en raison des inquiétudes sur sa santé, Joe Biden a décidé d’accord un entretien événement à la chaîne ABC. Face à lui, le journaliste vedette George Stephanopoulos, 63 ans, un poids lourd des médias américains qui a clairement conscience de l’enjeu pour le président sortant. Et qui connaît la Maison Blanche comme sa poche. Avant de se lancer dans une brillante carrière de journaliste, ce fils d’immigrés grecs, diplômé de la prestigieuse Université de Columbia, a en effet joué un rôle crucial auprès de Bill Clinton. 

Cerveau de la campagne victorieuse de 1992, comme on peut le voir dans le documentaire nommé aux Oscars The War Room, ce jeune loup aux dents longues dirige la communication du président démocrate durant son premier mandat. Figure médiatique, il est au cœur d’un épisode de la première saison de Friends, lorsque les personnages de la sitcom réalisent que le conseiller du président habite dans l’immeuble d’en face… après avoir reçu une pizza par erreur. Plus tard, il inspirera le personnage joué par Rob Lowe dans la série The West Wing.

Il a débuté sa carrière au service de Bill Clinton

La fin de son aventure au sommet du pouvoir précède l’un des plus grands scandales de l’histoire de la politique américaine. Après avoir « géré » l’affaire Paula Jones, une ancienne fonctionnaire de l’Arkansas qui accuse Bill Clinton de harcèlement sexuel lorsqu’il était gouverneur de l’État, George Stephanopoulos démissionne en 1996 après la réélection de son patron, quelques mois avant le scandale Monica Lewinsky

« Quand l’affaire a éclaté, j’ai compris de suite que je ne pourrais pas nier la stupidité, l’irresponsabilité, et le caractère inexcusable de ce qu’il avait fait« , écrira le jeune conseiller dans ses mémoires, parues en 1999. « Et quand j’ai dit, un an avant tout le monde, que ce que le Président avait fait entraînerait son impeachment, je suis devenu l’ennemi pour la Maison-Blanche. Depuis ce jour, je n’ai plus parlé au Président, ni à Hillary« .

George Stephanopoulos et Bill Clinton en 1993. – AFP

Reste que son expérience des coulisses du pouvoir va lui ouvrir les portes d’une nouvelle carrière. Au début de la décennie suivante, il rejoint la chaîne ABC qui en fait son correspondant à la Maison Blanche en 2005, durant la présidence de George W. Bush. Trois ans plus tard, il fait partie des modérateurs du débat de la primaire démocrate opposant Barack Obama à Hillary Clinton, une vieille connaissance…

Depuis une dizaine d’années, George Stephanopoulos a pris du galon en succédant à la légendaire Diane Sawyer, d’abord en rejoignant l’émission quotidienne « Good Morning America » puis en prenant les commandes de l’info politique de la chaîne. En 2014, il est le premier journaliste américain à décrocher une interview de Vladimir Poutine depuis trois ans, en amont des Jeux olympiques de Sotchi. 

Depuis, tous les grands de ce monde ont répondu à ses questions. En décembre 2022, c’est lui qui a interrogé Emmanuel Macron lors de sa visite officielle à Washington. En mai dernier, l’ancien conseiller de la Maison-Blanche a réalisé la première interview de Benyamin Nétanyahou après la riposte israélienne à l’attaque du Hamas du 7 octobre.

Quid des relations avec les deux rivaux à la prochaine présidentielle américaine ? George Stephanopoulos a interviewé Donald Trump à plusieurs reprises. En 2019, il l’accompagne de sa limousine jusqu’au bureau Ovale et n’hésite pas à le questionner sur les interférences russes dans les élections américaines, sans pour autant le déstabiliser. Aux dernières nouvelles, les deux hommes entretiennent des relations plutôt fraiches.

En mars dernier, l’homme d’affaires a en effet déposé plainte contre le journaliste pour diffamation. Il lui reproche d’avoir fait mention des accusations de viol de l’autrice E. Jean Carroll à son encontre lors d’un entretien avec l’une de ses soutiens, l’élue républicaine Nancy Mace, elle-même victime d’agression sexuelle.

« Mon travail est de tenir les politiciens responsables de leurs actes« , expliquait George Stephanopoulos au Hollywood Reporter le mois dernier. « Si vous soutenez quelqu’un qui a tenté de faire annuler les élections de 2020 (…) ou qui a été inculpé au civil pour des abus sexuels, vous devriez pouvoir expliquer pourquoi vous pensez que cette personne mérite d’être président« .

Le CV de l’ancien conseiller de la Maison-Blanche laisse penser qu’il sera plutôt bienveillant avec Joe Biden. Reste que leur dernier tête-à-tête en mars 2021 avait fait grand bruit. À la question de savoir si Vladimir Poutine était « un tueur », le président américain avait répondu : « Oui je le pense« . Mais aussi que le président russe allait « payer le prix » de l’implication de Moscou dans la campagne électorale américaine de 2020. Des propos qui avaient suscité la colère du Kremlin.

Pour préparer ce rendez-vous très attendu, George Stephanopoulos pourra compter sur le soutien de son épouse, l’actrice comique Ali Wentworth, spécialiste des imitations de Cher, Lady Di ou encore… Hillary Clinton. Mais aussi sur sa pratique assidue de la méditation transcendantale à laquelle il a été initié par son vieux copain, l’humoriste Jerry Seinfeld. Il s’y adonne au saut du lit, à 2h15 du matin. Puis dans la loge maquillage, juste avant d’entrer en plateau.


Jérôme VERMELIN

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