La colère gronde toujours en Martinique contre la vie chère. Le préfet de la Martinique a décrété vendredi 20 septembre l’interdiction des « manifestations, attroupements et autres rassemblements revendicatifs » à Fort-de-France et dans trois autres communes de l’île jusqu’à ce lundi matin après plusieurs nuits de violence. Dans ce département d’outre-mer, les produits alimentaires sont en moyenne 40% plus chers qu’en France métropolitaine, selon une étude de l’Insee en 2022. Une taxe cristallise toutes les critiques des habitants et alimente la grogne sociale : l’ »octroi de mer ».
Une taxe en vigueur depuis 354 ans !
Instaurée en Martinique dès 1670 par Jean-Baptiste Colbert, alors contrôleur général des finances de Louis XIV, cette taxe spécifique aux Dom vise les produits importés. Le but étant en théorie de financer les collectivités martiniquaises qui perçoivent cette taxe et de protéger le tissu économique local fragilisé par l’insularité. « Par exemple, la plupart des biscuits sont taxés à 15% s’ils sont importés, mais seulement à 2,5% s’ils sont fabriqués en Martinique », illustre France Info.
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Elle s’applique sans discontinuer depuis le XVIIe siècle et a même été prolongée jusqu’en 2027 par le Parlement européen. Problème : cette imposition qui s’applique aussi en Guyane, en Guadeloupe, à La Réunion et à Mayotte tire les prix vers le haut. Et dans un département où plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, faire ses courses n’a jamais été aussi compliqué en raison du coût de la vie bien plus élevé qu’en Métropole. Les témoignages des Martiniquais obligés d’acheter un pack d’eau à 11 euros, du beurre à 8 euros ou une bouteille d’huile d’olive à plus de 4 euros se multiplient sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, le site « Kiprix » compare les prix sur l’île et en métropole et les écarts entre certains produits sont abyssaux.
« Lorsque les taux d’octroi de mer s’appliquent à des produits d’importation qui n’ont pas leur équivalent localement, on aboutit à des situations absurdes. Les gens ont besoin d’acheter des produits importés qui sont ceux qui coûtent le plus cher », explique auprès de l’AFP Ivan Odonnat, président de l’Iedom, l’organe de la Banque de France dans les territoires d’Outre-mer.
La Cour des comptes juge cet impôt « à bout de souffle »
Sauf que supprimer cet impôt mis en place il y a plus de 350 ans mettrait en péril les finances des collectivités locales déjà exsangues. Pour les régions d’outre-mer, cette taxe représente « entre 34 et 45% de leurs recettes fiscales » et entre « 18 et 33% de leurs recettes réelles de fonctionnement ». Dans certaines municipalités, les recettes fiscales issues de cet impôt représentent parfois plus de 50% du budget d’une commune.
« L’octroi des mers est un facteur explicatif de la cherté de la vie dans les Outre-mer, parmi de nombreux autres », a reconnu La Cour des comptes dans un rapport publié en mars 2024. L’institution juge que cette taxe, essentielle aux communes ultramarines, est « à bout de souffle » et n’exclut pas la suppression de ce dispositif d’ici à 2027. Suffisant pour faire baisser les prix ? Pas sûr puisque cette taxe « ne constitue qu’un facteur explicatif de la cherté de la vie dans les outre-mer, parmi de nombreux autres » d’après les sages de la rue Cambon.