dimanche, juin 30

Comme chaque vendredi vers 14 heures, lors de la prière la plus importante de la semaine, la mosquée d’Evry-Courcouronnes, l’une des plus grandes de France, est pleine à craquer. En ce 21 juin, Khalil Merroun, le recteur de cette institution appartenant à l’islam malékite, courant sunnite majoritaire en France, n’élude pas le contexte politique. « Je suis inquiet pour le vivre-ensemble et l’humanisme », lance-t-il dans son discours introductif, devant quelque 1 500 fidèles. Refusant de donner une consigne de vote, il met en garde son auditoire : « L’abstention est le pire ennemi de la France. Si vous n’allez pas voter, vous ne pourrez pas dire après : je ne pouvais rien faire ! »

En aparté, ce septuagénaire natif du Maroc, arrivé à Evry en 1972, tient à rappeler qu’il est « devenu français avant même que Bardella [Jordan Bardella, président du Rassemblement national, RN] soit né ». Alors qu’une forte majorité de musulmans auraient boycotté les urnes lors des européennes (59 %, selon l’Institut français d’opinion publique), Khalil Merroun assure vouloir « tuer l’abstention dans l’œuf ».

S’il refuse de cibler uniquement le RN (car « il y a aussi une minorité violente à l’extrême gauche »), le recteur confie avoir « peur que les extrêmes arrivent au pouvoir, pas seulement pour les musulmans, mais pour la France ». « Pointer l’islam du doigt ou tenir un discours antisémite apparaît aux yeux de certains comme la seule voie vers le pouvoir… Qu’est-ce que cela dit de leur capacité à défendre les Français ? De leurs compétences économiques ? De leur projet social ? », interroge-t-il.

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A la sortie de la mosquée, tout le monde ne semble cependant pas prêt à répondre à l’appel du recteur : « La politique ne m’intéresse pas », « de toute façon, ils sont tous pareils, c’est l’argent qui gouverne », « Bardella ou pas, on verra bien ce que ça changera », glissent quelques fidèles pressés, refusant de s’épancher. Beaucoup affichent une distance vis-à-vis de la situation politique, et ce, malgré la possible victoire d’une extrême droite qui menace depuis longtemps d’intervenir dans la vie des musulmans, au nom de la lutte contre l’islam radical.

« Ils ne nous pousseront jamais à renoncer à notre foi »

« La foi nous rend optimistes, peu importe la situation. Et puis nous sommes des millions en France, ils ne pourront pas tous nous mettre dehors », relativise ainsi Amir Ben Majed, pas plus inquiet que cela. « Les discours antimusulmans, on a l’habitude, de toute façon », ajoute cet avocat de 36 ans, qui avoue tout de même craindre de voir ces idées « gagner en publicité ». « Aujourd’hui, il est déjà moins facile de s’appeler Mohamed que François lorsqu’on candidate à certains postes. Cela risque d’empirer… », reconnaît-il. Mais il déplore, déjà, « toute l’énergie et le temps que l’on met à critiquer l’islam dans le débat public. La France décline, perd de l’influence année après année. Au lieu de fédérer tous les cerveaux et les talents pour changer cela, on préfère nous diviser ».

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