lundi, octobre 7

Le marché de l’immobilier hongkongais est devenu le plus cher au monde.
Plus de 420.000 personnes résident dans des « appartements-cercueils » et des « maisons-cages », où ils ne peuvent que s’allonger.
Une équipe de « Sept à Huit » est partie à leur rencontre.

Suivez la couverture complète

Sept à huit

À l’ombre des tours des magnats de la finance ruisselant de néons, se trouve la face cachée du Manhattan de l’Asie. À Hong Kong, confetti de terre pris en sandwich entre mer et montagne, 7,5 millions d’habitants s’entassent dans une jungle verticale. Parmi eux, 5.000 milliardaires, 300.000 millionnaires et… 420.000 personnes ne pouvant même pas tenir debout là où elles résident. Faute de terrains constructibles et de logements sociaux, l’immobilier hongkongais, avec 130.000 habitants au km carré, bat tous les records mondiaux : 25.000 euros le mètre carré, trois fois plus qu’à Paris. La location d’un trois-pièces dans le centre coûte 7.000 euros. Et depuis la pandémie de Covid, le taux de chômage culmine à son plus haut point historique : 8%.

Capture d’écran TF1

La grande pauvreté touche cependant de nombreux salariés en CDI. Mais dans une localité où la retraite par répartition n’existe pas, ce sont surtout les seniors qui en pâtissent : un sur trois endure des conditions de vie indignes dans des micro-logements, gérés par des propriétaires en toute illégalité, mais avec l’approbation tacite des autorités, comme le montre le reportage sur place de « Sept à Huit », diffusé sur TF1 ce dimanche 6 octobre, à retrouver dans la vidéo en tête de cet article. Officiellement, les agences immobilières ne louent ni cages, ni boîtes, mais sur les murs des quartiers populaires, partout, des petites annonces comme celle-ci : « Location de luxe, lit pour femme, eau chaude, cadenas et clim’. »

« Ben, c’est la taille d’un lit »

TF1 a décroché son téléphone pour demander à combien s’élève la superficie de ce logement « de luxe ». Réponse : « Ben, c’est la taille d’un lit. » Une visite permet ensuite de constater qu’il ne s’agit que d’une boîte, entourée de cancrelats et de murs sordides rongés par le salpêtre. Pas question, du reste, de demander un bail : le propriétaire exige des espèces, payées d’avance s’agissant du premier loyer. Malgré l’humidité, la vétusté, les installations électriques dangereuses, l’insalubrité…

Tony vit dans une de ces boîtes de moins de deux mètres carrés, littéralement entre quatre planches. « Dehors, il y a un ventilateur, mais quand je ferme la porte de ma boîte, c’est oppressant. J’ai envie de me suicider. De me pendre. On tourne en rond. Si je n’avais pas la télé, je parlerais avec le mur. C’est l’horreur, témoigne-t-il. Dans mon recoin, il y a deux autres boîtes, une à côté et une au-dessus. Celles du bas coûtent plus cher parce qu’elles sont plus faciles à atteindre, 250 euros par mois pour un peu plus d’un mètre carré. » Celle du dessus coûte, elle, 220 euros mensuels.

Tony entrant dans sa boîte.
Tony entrant dans sa boîte. – Capture d’écran TF1

Dans cet immeuble, 18 boîtes numérotées en tout, entassées dans 40 mètres carrés. Depuis le décès de son épouse d’un cancer du foie, l’existence de Tony est plus âpre. Avec le Covid, sa boutique de montres d’occasion a périclité. Il ne touche plus que 700 euros mensuels d’allocations de l’État, ce qui en fait une proie idéale pour les marchands de sommeil qui pullulent à Hong Kong. « Avec des loyers de 220 à 250 euros, ça fait presque 5.000 euros par mois pour le propriétaire, pour 40 mètres carrés. C’est un business juteux », estime-t-il, tout en déplorant l’omniprésence des puces et des rats.

Tong Lo Wai entrant dans sa cage. – Capture d’écran TF1

D’autres vivent même comme des volailles en batteries, dans des cages grillagées d’1,80 mètre sur 60 centimètres, à 150 euros par mois. Ils y meurent, aussi. Dans un espace de 25 mètres carrés où dix de ces « maisons-cages » sont empilées contre les murs, Tong Lo Wai, 70 ans, émargeant à 400 euros de pension par mois, a vu ses deux meilleurs amis perdre la vie durant la pandémie de Covid. « J’ai appelé les secours, mais les ambulances ne sont jamais venues, se souvient-il. Ça me rend vraiment triste qu’ils soient morts comme ça, dans des cages », où l’on trouve encore leurs papiers et leur traitement contre le virus, comme s’ils n’étaient jamais partis… L’économie la plus libérale du monde n’a que faire de ses laissés-pour-compte.


Hamza HIZZIR | Reportage « Sept à Huit »

Partager
Exit mobile version