Des agriculteurs ont à nouveau utilisé ce lundi des cadavres de sangliers en région pour protester contre les dégâts agricoles causés par le grand gibier.
Les suidés prolifèrent dans certains territoires, où ils ravagent des cultures entières, à commencer par les champs de maïs.
Dans les départements très touchés, les syndicats agricoles réclament que l’espèce soit classée nuisible pour permettre les prélèvements toute l’année.
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Agriculture sous tension : la colère gronde de nouveau
Une mise en scène macabre pour marquer les esprits. Ce lundi 25 novembre, les agriculteurs de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles d’Ille-et-Vilaine (FDSEA 35) et les Jeunes Agriculteurs d’Ille-et-Vilaine (JA 35) ont déversé des cadavres de sangliers devant les locaux de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) à Rennes. Une semaine plus tôt, en Dordogne, les agriculteurs de la Coordination Rurale avaient déjà accroché des peaux de sangliers devant des services de l’État, tandis que début novembre, dans les Côtes-d’Armor, un sanglier mort avait été pendu par les pieds dans un champ à la vue des automobilistes.
Si les exemples récents d’actions coup de poing de ce type se multiplient en régions, la raison de la colère, elle, n’est pas nouvelle. En janvier dernier, le cadavre éventré d’un sanglier avait déjà été pendu à un arbre par des agriculteurs en colère à Agen (Lot-et-Garonne). Le problème, plus local, s’ajoute à la longue liste des revendications agricoles.
Quel est le problème ?
Comme ailleurs en Europe, la population de sangliers s’est multipliée dans l’Hexagone au cours des dernières décennies, aidée par des hivers plus doux, l’absence de prédateurs naturels et une chasse qui s’est faite pendant longtemps « de façon à (…) assurer la préservation, voire le développement » des animaux, selon un rapport parlementaire paru en 2019. À titre de repère, 36.000 sangliers étaient tués au début des années 1970, 700.000 en 2017, 760.000 en 2018 pour dépasser les 800.000 en 2020, soit vingt fois plus, selon les données recueillies par le réseau Ongulés sauvages OFB-FNC-FDC.
Après avoir atteint près de 850.000 prélèvements en 2022, ces derniers sont repassés sous la barre des 800.000 animaux tués lors de la saison 2023. Mais cela n’aura pas duré. D’après les chiffres de la dernière saison, relayés fin octobre, les prélèvements de sangliers ont repassé la barre des 800.000 en 2024.
Or, la surpopulation de sangliers va de pair avec une augmentation des dégâts agricoles, en particulier sur le maïs, le blé tendre et les prairies. Ainsi, 80% des dégâts agricoles qui représentent plus de 30 millions d’euros par an sont imputables au sanglier, soulignait le rapport parlementaire de 2019.
Pour rappel, c’est à la Fédération départementale des chasseurs que revient selon la loi l’obligation d’indemniser les agriculteurs en cas de dégâts sur leurs parcelles. Toujours à titre d’illustration, 10% de l’ensemble des communes françaises concentrent 75% des indemnités versées en raison des dégâts causés par le grand gibier. Certaines zones sont donc plus touchées que d’autres par cette prolifération et ses conséquences.
Quels sont les territoires les plus concernés ?
Parmi les territoires envahis par cet animal sauvage figurent huit départements, les seuls à afficher des prélèvements supérieurs à 20.000 sangliers tués. Durant la saison 2023/2024, le Loir-et-Cher et le Gard ont ainsi dépassé les 30.000 animaux tués, suivis de l’Hérault (23.599 sangliers abattus), du Cher (23.706), de la Dordogne (21.263), de l’Ardèche (20.890), du Loiret (20.789) et de l’Aisne (20.093).
En Ille-et-Vilaine, où les agriculteurs sont actuellement très mobilisés contre les dégâts liés au grand gibier, le nombre de sangliers prélevés a été multiplié par six en moins de vingt ans pour atteindre les 6000 bêtes tuées en 2023, pour 4000 dans les Côtes-d’Armor, selon les chiffres relayés par les fédérations départementales des chasseurs respectives.
Que réclament les agriculteurs ?
En Ille-et-Vilaine, les agriculteurs ont notamment réclamé ce lundi que les sangliers soient classés comme nuisibles afin de permettre leur prélèvement toute l’année et le maintien des indemnisations pour les victimes de dégâts. Ces derniers mettent aussi en cause le système de bracelets dont le coût, à savoir 40 euros par sanglier prélevé, est susceptible de freiner la chasse. Plus largement, FDSEA 35 et les JA 35 dénoncent le manque de « moyens alloués par l’État pour lutter contre la prolifération des sangliers ».
Parmi les autres revendications récurrentes sur ce sujet dans les départements les plus exposés, figure aussi l’installation de clôtures le long des forêts pour protéger les exploitations.