C’est un procureur peiné qui a donné son réquisitoire, jeudi 28 novembre, au procès de l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini et de neuf autres prévenus au tribunal judiciaire de Paris. « Le ministère public est triste d’avoir des hauts fonctionnaires de l’Etat présents devant vous aujourd’hui et d’avoir passé ses derniers jours à avoir des discussions que les juges d’instruction ont qualifié de “discussions de dealeurs de cité” sur les faits », regrette Hervé Tetier, en référence aux débats sémantiques qui ont animé l’audience sur le sens d’une « surveillance » et d’une « infiltration ».
Aux côtés de M. Squarcini, figuraient principalement des fonctionnaires de police et du renseignement en fonctions ayant répondu à ses sollicitations alors qu’il travaillait pour LVMH, ainsi que d’anciens hauts fonctionnaires devenus salariés ou prestataires du groupe de luxe.
L’ancien maître espion est le fil rouge de cette procédure tentaculaire portant sur des faits datant de 2008 à 2016. A ce titre, le procureur a demandé les peines les plus lourdes à son encontre : quatre ans d’emprisonnement avec sursis, 300 000 euros d’amende, la confiscation de plus de 460 000 euros saisis en cours d’enquête, l’interdiction d’exercer une activité en lien avec « le renseignement, la surveillance, le conseil et l’intelligence économique » pendant cinq ans, avec exécution provisoire, ainsi qu’une interdiction d’exercer dans la fonction publique pour la même durée. « Il apparaît clairement que [le contrat de 2,2 millions d’euros liant Bernard Squarcini à LVMH] était prévu pour rémunérer autre chose que [ses] compétences en termes de renseignement, le “autre chose” étant le trafic d’influence », a poursuivi le procureur.
« Je suis frappé par l’amnésie générale »
Ces réquisitions sont d’autant plus lourdes qu’il est « en récidive » concernant la « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux », explique le procureur. M. Squarcini avait été condamné en 2014 pour avoir requis les fadettes d’un journaliste du Monde pour découvrir ses sources.
Hervé Séveno, Jean-Charles Brisard et Albert Farhat – prévenus dans le volet du dossier portant sur la surveillance et l’infiltration du journal Fakir, alors que son fondateur, François Ruffin, aujourd’hui député (divers gauche) de la Somme, travaillait sur le documentaire Merci patron ! – font également l’objet de réquisitions fortes en raison de leur absence de reconnaissance des faits. « Je suis frappé par l’amnésie générale qui semble avoir atteint un grand nombre des prévenus sur ce qu’ils ont envoyé ou reçu. Heureusement, il y a des éléments objectifs comme les interceptions téléphoniques, SMS, e-mails, rapports et trombinoscopes, explique le procureur. Nous sommes en présence de professionnels du renseignement qui savent pertinemment [ce qu’ils faisaient]. »
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