mercredi, mai 22

Tous les matins, quand le réveil déchire le brouillard de son sommeil agité, Isild Le Besco se demande pourquoi elle a décidé de publier un livre. Pourquoi elle s’apprête à déposer sur les tables des librairies du pays son intimité percutée par la violence. Pourquoi ­s’imposer tout ça, les médias, les inévitables réactions virulentes de ses proches, les controverses pénibles. Le fil de ses pensées l’emmène toujours au même endroit : elle n’a pas le choix, il y va de sa survie. « Chacune des femmes poussées dans l’horrible, qui a réussi à se récupérer, parce que certaines ne se récupèrent pas et en meurent, a le devoir de parler pour les autres. Moi, c’est grâce à mes enfants que je ne me suis pas suicidée. Je ne serai pas tranquille tant que je n’aurai pas restitué ce que j’ai réussi à surpasser », affirme-t-elle, dans une de ces envolées affûtées qu’elle formule parfois.

Ce livre, Dire vrai, qui paraît aux éditions Denoël de 1er mai, n’aurait peut-être jamais existé sans un voyage en train. Celui qui relie la Drôme, où vit, depuis le confinement, l’autrice et réalisatrice de 41 ans, et Paris, qu’elle rejoint pour ses obligations. A bord de ce TGV, en avril 2023, une passagère très agitée agresse les passagers. Isild Le Besco se lève et lui demande de partir. La femme, âgée d’une vingtaine d’années, l’insulte, lui assène des coups de poing, lui plante un doigt dans l’œil. Elle s’en sort avec une cornée abîmée, vingt-quatre jours d’incapacité temporaire de travail et le besoin de répéter en boucle au téléphone à sa petite sœur qu’elle n’est « pas une victime ».

Son agression dans le train constitue la scène d’ouverture de son livre. Cet événement est aussi le début d’une prise de conscience : les violences qu’elle a subies ne sont pas des incidents isolés, mais des événements liés qui s’autoengendrent. « Prisonnière de mes manques matériels et affectifs, j’étais le terrain parfait pour toutes les maltraitances », écrit-elle. Isild Le Besco trace une continuité entre son enfance, ses débuts dans le cinéma français, la relation de sa sœur aînée, l’actrice et réalisatrice Maïwenn, avec le metteur en scène et producteur Luc Besson, la prédation exercée sur elle par le cinéaste Benoît Jacquot (au début de leur relation Isild Le Besco a 16 ans, lui 52), l’histoire avec le père de ses enfants et le fait qu’aujourd’hui elle en ressorte broyée mais portée par la nécessité d’écrire pour se reconstruire. Son ouvrage vient s’ajouter à d’autres récits similaires produits ces dernières années par des femmes telles que Flavie Flament, Vanessa Springora, Camille Kouchner, Hélène Devynck ou Judith Chemla.

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