CANAL+ CINÉMA(S) – JEUDI 29 AOÛT À 23 HEURES – FILM
C’est l’histoire d’une adolescente qui grandit et devient adulte dans un univers hors norme. Lorsque Priscilla, 14 ans, rencontre Elvis Presley, de dix ans son aîné, elle s’ennuie ferme sur une base militaire ouest-allemande de l’US Air Force, où son père et le chanteur officient. Jeune vierge conduite, par des amis de la star, sur l’autel du Love Me Tender, la collégienne rappelle de loin la fille de l’empereur d’Autriche mise en scène par Sofia Coppola en 2006 (Marie-Antoinette).
Moins décadente, Priscilla (Cailee Spaeny) s’imagine un temps avoir tiré le gros lot – le grand amour, le luxe, la fantaisie – avant de se laisser absorber par la vie du King (Jacob Elordi).
Le film s’ouvre sur des images qui ont valeur de programme : elle enfonce ses petits pieds aux ongles délicatement vernis dans une moquette moelleuse. Elle fixe au bord de sa paupière une rangée de faux cils. Dans son miroir se reflète un disque d’Elvis… Une description en forme de métamorphose pour une jeune femme qui va, pendant les dix années à venir, se conformer à ce que son célèbre mari attend d’elle.
Maison de poupée
Peu de cinéastes donnent l’impression de saisir à la surface des choses une humeur, un sentiment, un état d’âme, comme le fait ici Sofia Coppola. Assumant la chronologie aléatoire, la succession de temps faibles, la petite musique du quotidien, la mise hors champ des grands succès de l’artiste, elle nous plonge dans la vie privée du couple, d’après les Mémoires de Priscilla Presley, Elvis et moi, parus aux Etats-Unis en 1985 (J’ai lu, 1987). On ne compte pas les scènes de chambre, magnifiées par la pénombre du chef opérateur français Philippe Le Sourd, où les amants, malgré une franche complicité, glissent vers le désastre, en commençant par les pilules données sans restriction à Priscilla pour dormir, la transformant en Belle au bois dormant deux jours durant.
Au-delà de la minutieuse et splendide reconstitution de Graceland, avant qu’Elvis ne la rénove, en 1970, et telle qu’on peut la visiter aujourd’hui, la maison fait figure d’écrin, exposant une sélection d’objets choisis sous la forme d’une panoplie glamour, le long desquels erre Priscilla.
Rien n’est froissé, c’est doux, ça brille, tout est parfaitement disposé. Priscilla a l’air de vivre dans une maison de poupée dont elle est devenue la principale protagoniste, attendant d’être déplacée, appelée, divertie, dirigée, habillée… Elle n’a pas vraiment son mot à dire. Elle cherche à s’émanciper d’un cadre de vie aussi déliquescent que rigide à son égard, mais finit toujours par n’être qu’un objet de lèche-vitrine pour son époux. Une petite chose laissée dans un coin, à disposition, jusqu’à ce qu’elle trouve suffisamment de ressources pour vivre sa vie. C’est là que réside la beauté du film de Sofia Coppola.
Priscilla, de Sofia Coppola. Avec Cailee Spaeny et Jacob Elordi (EU, 2023, 113 min). Canal+ Cinéma(s)