Avec la présidentielle américaine du 5 novembre, les États membres de l’Otan retiennent leur souffle.
Un retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait avoir des conséquences sur l’Alliance, et directement sur le conflit en Ukraine.
Alignée sur Joe Biden en politique extérieure, Kamala Harris est-elle pour autant aussi atlantiste que le président sortant ? Éléments de réponse.
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Élection présidentielle américaine
Il est connu pour ses positions contre l’Otan, et réputé très favorable à Vladimir Poutine. Elle a récemment réaffirmé son soutien indéfectible aux alliés des États-Unis, et souscrit à la vision atlantiste de Joe Biden, dont elle a été la vice-présidente pendant quatre ans. Donald Trump et Kamala Harris ont des visions antagonistes en matière de politique étrangère, et singulièrement sur la question de l’Otan . L’élection de l’un ou de l’autre changera-t-elle pour autant significativement la donne pour l’Alliance atlantique ?
Le milliardaire multiplie les déclarations inquiétantes
Donald Trump a plusieurs fois menacé de ne plus garantir la protection des membres de l’Otan s’ils ne s’acquittaient pas de leur dette financière à l’égard de l’Alliance atlantique. Une remise en question de l’article 5 de la charte, selon lequel tous les pays membres doivent être solidaires de tout membre attaqué par un pays tiers. Il est même allé plus loin lors d’un meeting en février dernier en Caroline du Sud, affirmant qu’il encouragerait (nouvelle fenêtre) une attaque contre un État membre qui n’aurait pas payé son dû. Dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, ce type de déclaration a de quoi inquiéter les membres de la façade orientale de l’Alliance, en première ligne face aux poussées expansionnistes de Moscou.
La proximité Trump-Poutine inquiète
Si l’ancien président américain a déclaré par la suite qu’il ne s’agissait que d’une « façon de négocier », sa proximité affichée avec Vladimir Poutine reste un motif de préoccupation pour les alliés occidentaux des Nations-Unies, alors que les chances d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche sont bien réelles, avant scrutin présidentiel américain, quasiment à égalité dans les sondages avec Kamala Harris.
Selon le livre récemment publié par Bob Woodward (nouvelle fenêtre), vétéran de la presse d’investigation, à l’origine du dévoilement de l’affaire du Watergate en 1972, les relations de l’ancien président américain avec son ex-homologue russe se sont poursuivies bien après son départ de la Maison Blanche. Ils se seraient entretenus au téléphone au moins sept fois depuis 2021, selon l’enquête de Woodward, le dernier appel connu ayant eu lieu au début de cette année, hors la présence de tout conseiller – des allégations démenties par le directeur de campagne du candidat républicain. Le livre révèle aussi que Donald Trump a fait parvenir des tests de dépistage du Covid à Vladimir Poutine en 2020, pour son usage personnel, alors que les citoyens américains en manquaient. C’est le maître du Kremlin qui aurait conseillé à son homologue de ne pas ébruiter ce cadeau embarrassant.
Donald Trump affirme régulièrement qu’il règlerait le conflit en Ukraine « en 24 heures » s’il était élu, sans donner le détail de son plan de paix. On peut toutefois supposer qu’il s’agit de consacrer le statu quo, l’ancien président ayant fait allusion par ailleurs aux concessions que devrait faire l’Ukraine, en abandonnant à la Russie le Donbass et la Crimée. Un scénario jusqu’ici toujours rejeté par Volodymyr Zelensky, pour qui cela reviendrait à accorder purement et simplement la victoire à Moscou.
Kamala Harris, l’anti-isolationniste
Vice-présidente de Joe Biden depuis quatre ans, Kamala Harris porte un tout autre regard sur l’Alliance atlantique. À la conférence de Munich sur la sécurité, en février dernier, alors qu’elle n’était pas encore candidate, elle avait cherché à rassurer les alliés des États-Unis sur les intentions de son administration. Elle envoyait également un message en direction de son pays, mettant en garde contre un retour de Donald Trump à la Maison Blanche, quelques jours après les déclarations explosives de celui-ci sur l’Otan. Alignée sur la ligne politique de Joe Biden, elle rappelait que la tentation isolationniste est une vision « qui affaiblirait l’Amérique ». Selon elle, le président américain avait œuvré pendant quatre ans à « rétablir la confiance » auprès des alliés, mise à mal par le mandat précédent de Donald Trump. La vice-présidente avait proclamé son soutien indéfectible de Kiev contre Moscou, une position qu’elle a réitérée en septembre dernier.
Les préoccupations des dirigeants américains, qu’ils soient démocrates ou républicains, se sont toutefois désaxés par rapport à ce qu’elles étaient pendant la Guerre froide. Washington a plus directement à craindre de la Chine que de la Russie, et l’administration Biden-Harris l’a régulièrement démontré. C’est bien sous ce mandat démocrate qu’a été créée l’alliance Aukus dans l’Indo-Pacifique, entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni, conçue dans le dos des partenaires de l’Union européenne – et privant au passage la France d’un contrat de vente de sous-marins pourtant déjà signé. La spécialiste des États-Unis Nicole Bacharan rappelait récemment dans Ouest-France (nouvelle fenêtre) que la Californienne Kamala Harris, de mère indienne, « a toute sa vie regardé le Pacifique et ne s’est rendue en Europe que tout récemment ».
Une présidence Trump est redoutée par les partenaires occidentaux des États-Unis, à l’exception de Viktor Orban , le très pro-russe Premier ministre hongrois. Fragilisés par le conflit en Ukraine, plusieurs pays ont vu leur processus d’adhésion accéléré, la Finlande et la Suède rejoignant formellement l’Alliance en 2023 et 2024. Renforcée, étendue, l’Otan reste cependant très dépendante de son plus gros contributeur, dont la puissance militaire est inégalée.
Quant aux Ukrainiens, ils retiennent leur souffle en attendant l’issue du scrutin du 5 novembre, une victoire de Trump affaiblissant la perspective d’un soutien inconditionnel de la part de Washington. Mais le niveau d’engagement d’une administration Harris, si la candidate démocrate devait l’emporter, dépendrait avant tout des intérêts américains, et des causes qu’elle estime prioritaires pour son pays.