mercredi, octobre 30

Dans une étude, l’ONG Bloom alerte sur le taux de mercure présent dans le thon en boîte consommé en France et en Europe.
Mais pourquoi trouve-t-on tant de mercure dans le thon ?

« Du poison dans le poisson. » Ainsi s’intitule l’étude de Bloom publiée mardi sur les taux de mercure relevés dans du thon en boîte. Des taux jugés trop élevés par cette ONG environnementale, qui pointe des dépassements des normes européennes dans certains cas. 

Mais d’où vient cette substance toxique pour la santé , et pourquoi le thon est-il particulièrement concerné ? Plusieurs causes expliquent la présence du mercure dans les océans. Si certaines sont naturelles, comme l’activité volcanique, l’activité humaine est responsable d’une grande partie de ces émissions, comme l’indique l’OMS . 

« Depuis l’ère industrielle, les humains ont considérablement augmenté les émissions de mercure vers l’atmosphère et les océans », abonde Joel Knoery, chercheur à l’Ifremer en biogéochimie marine au sein de l’Unité contamination chimique des écosystèmes marins, contacté par TF1info. Parmi les émissions d’origine humaine, l’expert cite la pratique de l’orpaillage artisanal, dont l’accélération au cours de la décennie écoulée en fait « un grand pourvoyeur de mercure »

Le méthylmercure, substance toxique

La substance ainsi produite va contaminer les océans. « Environ 7 à 8 tonnes de mercure vont vers l’atmosphère et 7 ou 8 tonnent redescendent vers la terre et l’océan tous les ans à l’échelle de la planète », explique Joel Knoery. « Cela paraît peu, mais en fait, c’est énorme d’un point de vue chimique. »  

Car lorsqu’il atteint les océans, le mercure est transformé. « Il subit des réactions chimiques menées par des bactéries naturellement présentes dans tous les milieux aquatiques », détaille l’expert. « Il est transformé en méthylmercure, un composé qu’on appelle bio-amplifiable. Dans la chair du thon qu’on achète, c’est du méthylmercure en immense majorité. »

Le méthylmercure est « toxique, facilement absorbable et accumulable par l’organisme », selon l’Anses (nouvelle fenêtre). « Présent à de faibles concentrations dans l’eau, il peut se concentrer très fortement dans les organismes aquatiques. Sa teneur a tendance à s’élever au fil de la chaîne alimentaire, à chaque fois qu’une espèce en mange une autre », explique également l’institution.

La substance suit le parcours alimentaire des réseaux trophiques, à savoir l’ensemble des chaînes alimentaires d’un écosystème. Par accumulation, les poissons superprédateurs, en mangeant de plus petits poissons qui ingurgitent du plancton, mangeur de bactéries, vont être exposés à de plus grandes quantités.

Modérer la consommation

« Quand le méthylmercure passe de l’eau au plancton, la concentration augmente de 100 à 1000 fois par unité de volume », explique Joel Knoery. « Entre l’eau et un poisson herbivore, elle augmente entre 1000 et 10.000 fois. Pour un poisson carnivore, on peut estimer qu’il est environ 100.000 fois plus concentré que l’eau de mer environnante. Enfin, un prédateur supérieur, comme les gros thons rouges, peut concentrer entre 1 et 10 millions de fois ce qu’il y a dans l’eau ».

Le méthylmercure est « toxique pour le système nerveux central de l’être humain, en particulier durant le développement in utero et au cours de la petite enfance », rappelle l’Anses, pouvant provoquer des troubles comportementaux légers ou des retards de développement. D’où l’existence de normes ainsi que de recommandations : consommer du poisson deux fois par semaine, diversifier les espèces consommées et les lieux d’approvisionnement et, pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 3 ans, limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages – comme le thon ou la bonite – et éviter de consommer les « grands prédateurs », à l’instar des requins ou des espadons. 


Garance RENAC

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