L’enquête se poursuit pour retrouver le meurtrier de Louise, 11 ans, dont le corps a été retrouvé il y a trois jours dans le bois des Templiers, à Longjumeau. Quatre personnes ont été placées en garde à vue, dont certaines soupçonnées d’avoir donné un faux alibi.
La collégienne aurait été tuée alors qu’elle rentrait du collège ; un contexte qui relance le débat autour des applications et trackers GPS permettant aux parents de localiser leurs enfants. Selon un sondage Ipsos réalisé en 2022 pour l’Observatoire de la Parentalité et de l’éducation numérique et l’Unaf, 41% des parents géolocalisent leurs enfants. Mais qu’en disent les spécialistes ?
Des mères de famille qui vantent les AirTags aux poignets des enfants
Parmi les dizaines d’applications ou de gadgets permettant de géolocaliser ses enfants, les balises Airtag d’Apple remportent un franc succès depuis leur lancement en 2021. Cet outil vendu à 35 euros était d’abord destiné à retrouver ses clés ou son sac à main en cas de perte ou de vol. Il fonctionne grâce à un capteur Bluetooth basse consommation et une puce UWB, dont la faible fiabilité a parfois été critiquée, et qui n’est compatible qu’avec du matériel Apple – et pas avec les iPhones précédant le 11.
Détourné par des parents en l’accrochant au poignet ou au sac à dos de leurs enfants, l’usage de ce petit boîtier inquiète de plus en plus. Sur les réseaux sociaux, des mères de famille américaines, comme Vada Stevens et Lacey Johnson, ont fièrement montré celui de leur progéniture, parfois assorti à leurs tenues. Toutes deux vantent même les mérites d’apprendre à leurs enfants à revenir vers elles quand ils entendent sonner le « bip ».
Quand la technologie remplace le sentiment de confiance
Mais les critiques pleuvent, et pas seulement parce que les AirTags ont été utilisés de façon malveillante pour harceler des femmes après une rupture, notamment. Même s’il apparaît rassurant de toujours savoir où se trouve son enfant, les spécialistes sont les premiers à alerter sur l’impact que cela pourrait avoir sur la santé mentale et le développement des jeunes.
« Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, la liberté des enfants de faire des choses par eux-mêmes a considérablement diminué », a déclaré Peter Gray, professeur de recherche en psychologie et neurosciences au Boston College, au Washington Post. La conséquence d’un telle surveillance excessive ? L’anxiété, la dépression, le sentiment pour les enfants de ne pas être les maîtres de leurs propres vies.
« Je veux que ce soit quelque chose qui augmente leur liberté et non pas que nous les surveillions davantage », a déclaré Mendola, une mère de famille ayant apposé un Airtag sur ses deux enfants de 11 et 8 ans. « Nous avons complètement tort de penser que les enfants sont constamment en danger alors qu’ils sont hors de vue pendant une minute ou deux », répond Lenore Skenazy, fondatrice de Free-Range Kids, une organisation qui milite pour des lois plus sensées autour de l’indépendance des enfants. Tout repose, selon elle sur la confiance.
« Si vos parents vous font confiance et croient en vous, c’est un cadeau incroyable. Avec les dispositifs de localisation, il n’y a aucun moyen de prouver que vous êtes digne de confiance »
Aussi mauvais pour les enfants… que pour les parents
En Australie, c’est l’application familiale Life 360 qui remporte un franc succès, avec 2 millions d’utilisateurs mensuels. À nouveau, les psychologues alertent sur tous les aspects négatifs : l’instauration d’une méfiance, d’une culture de la dissimulation ou encore la normalisation du fait d’être surveillé une fois que l’enfant, arrivé à l’âge adulte, développera sa relation à l’autre.
« C’est mauvais pour la santé mentale des deux côtés, rapporte la psychologue Sahra O’Doherty au site spécialisé Aapi. Chez les parents, c’est souvent motivé par un sentiment de stress, de peur ou d’anxiété… et ces applications alimentent leur anxiété ».
« Une culture de la peur » alimentée par les industriels ?
La sécurité est également une aubaine pour l’industrie technologique.
« Il existe vraiment une culture de la peur et c’est en partie intentionnel, c’est une façon de faire du marketing auprès des parents », rapporte la psychologue Susan Linn au Washington Post. Cela rend tout le monde dans la famille encore plus dépendant de la technologie, et c’est le but de tous ces appareils. »
Apple a beau avoir explicitement demandé de ne pas utiliser les AirTags sur les animaux ou les enfants, le dispositif semble encore avoir de beaux jours de détournement d’usage devant lui. De quoi s’imaginer comme dans cet épisode de Black Mirror sorti en 2017, lorsque Jodie Foster traque sa fille unique de la petite enfance à l’adolescence, jusqu’à porter atteinte à sa vie privée.