mercredi, octobre 23

À partir du vendredi 26 juillet, la France vivra au rythme des Jeux Olymiques. Tous les yeux seront braqués sur les chaînes diffusant les événements sportifs de Paris 2024. Redoutant cette situation, l’industrie du cinéma a considérablement allégé son offre estivale.

« Lorsque les dates des Jeux Olympiques ont été annoncées, il y a tout de suite eu une forme de défaitisme avec l’idée que ce serait le bordel à Paris et les distributeurs – notamment en art et essai – ont assez peu programmé de films », explique Alexis Mas, patron de la société de distribution Condor.

Entre mi-juillet et fin août, les salles accueilleront seulement une demi-douzaine de nouveautés par semaine (contre une vingtaine le reste de l’année). Le 24 juillet, Deadpool & Wolverine sera ainsi la principale sortie du jour face à une programmation composée essentiellement de reprises (Marius de Marcel Pagnol, Paddington).

« La vie continue pendant les JO! »

Même chose le 31 juillet, où s’affrontent Largo Winch 3, le slasher MaXXXine, le film d’animation Garfield et des reprises du Guépard et d’Intouchables. Idem pour le 7 août avec un programme composé surtout de l’adaptation du jeu vidéo Borderlands, du thriller Trap de Shyamalan et de la comédie familiale Super Papa avec Ahmed Sylla.

« Je n’ai aucune idée si les gens vont avoir envie d’aller au cinéma pendant les JO. Mais si c’est la canicule, ils seront contents de retrouver un peu de clim' », s’amuse Jean-Pierre Jeunet qui voit son Fabuleux destin d’Amélie Poulain ressortir le 24 juillet dans 300 salles en version sous-titrée en anglais pour les touristes de passage pour les jeux.

« La concurrence existe entre les films, mais pas entre le cinéma et les JO », souligne David Baudry, directeur de la distribution de Pan Distribution, qui sortira Largo Winch 3 dans 500 salles. « Le pire, pour le cinéma, on l’a bien vu après le Covid, c’est de ne rien sortir, de ne pas alimenter les salles. Le cinéma reste un divertissement à part entière. »

« Les gens savent faire plusieurs choses dans leur vie. On peut aimer les JO et aller au cinéma! », abonde Marc-Olivier Sebbag, DG de la Fédération nationale des cinémas français. « La vie continue pendant les JO! », acquiesce Franck Magnier, co-réalisateur du Larbin, une comédie populaire avec Kad Merad en salles le 17 juillet.

« Le truc le plus malin à faire »

Les vacances d’été sont la période idéale pour se rendre au cinéma, poursuit le réalisateur de cette comédie « entre Les Visiteurs et The Truman Show« : « Les grands parents ont les petits-enfants. On ne va pas mettre tout le monde à longueur de journée devant les JO! À un moment, il faudra faire autre chose et aller voir Le Larbin! »

« On s’est bien sûr posé la question des JO mais je ne vois pas un mec dire à ses potes: ‘Ah non les gars, ce soir, c’est saut à la perche à la télé, je ne vais pas au cinéma!' », s’amuse Max Mauroux, réalisateur du teen movie Presque Légal, en salles le 17 juillet. « C’est un peu un non-événement, les JO. »

« J’ai été le premier à avoir peur de cette date au début », concède le metteur en scène, dont c’est le premier film. Mais je me suis dit que c’était le truc le plus malin à faire dans le sens où ça va nous donner le moyen de vraiment exister là où sur d’autres périodes plus concurrentielles, ça aurait été plus difficile. »

« C’est une chance de pouvoir exister à une période où les gens étaient frileux », abonde Léa Lando, réalisatrice de Super Papa, comédie avec Ahmed Sylla en salles le 7 août. « On a une proposition inédite: c’est la première fois qu’on voit Ahmed jouer un père. Peut-être qu’on sera parmi les choix privilégiés des personnes qui iront au cinéma. »

« Il y a toujours une demande! »

Condor, qui a décidé de sortir le 31 juillet MaXXXine, un hommage aux films d’horreur des années 1980, a adopté un raisonnement similaire pour séduire les fans du genre. « MaXXXine devait sortir plus tard mais on s’est dit qu’il y avait un truc à faire. On est prêt à sacrifier nos vacances. Il faut aller au cœur de la mêlée », s’exclame Alexis Mas.

« La période va hyper bien à ce film et il peut à la fois plaire au grand public et aux cinéphiles », poursuit le distributeur, qui est connu pour ses prises de risque souvent payantes. « On sort MaXXXine sur 300 copies en contre-programmation pour aider aussi les réseaux art et essai. Et il y a toujours une demande! »

« Blockbuster à la française bien produit », Largo Winch 3 s’adresse aussi à un public avide de divertissements estivaux, et restera tout l’été à l’affiche, insiste David Baudry. « On sait aussi faire des films d’action en France. On croit en lui. C’est un vrai film d’été. Comme la franchise est forte, ce sera la sortie de la semaine. »

« L’été n’est plus du tout une espèce de punition comme ça l’a été autrefois », complète Alexandre Charlot, co-réalisateur du Larbin. « Grâce aux spots TV, on peut continuer la promo d’un film, alors qu’avant ça condamnait un peu un film quand on le sortait quand les programmes TV étaient tous partis en vacances. »

Capter un public jeune

L’organisation des JO touche par ailleurs principalement la capitale. « Ailleurs en France, la problématique des JO est assez peu présente », explique Marc-Olivier Sebbag. « Les JO étant un événement, il faut aussi créer des événements en salles pour se distinguer, pour que les médias parlent de ce qu’il y a dans les salles de cinéma. »

« Il y a une vraie inconnue sur Paris avec la circulation qui peut être compliquée et des salles qui ferment (du réseau Sophie Dulac, NDLR) mais dans le reste du pays, il n’y aura pas de problème de fréquentation », insiste Alexis Mas. « Il y a certes ce problème d’espace médiatique mais c’est arrivé à d’autres périodes et ça ne nous fait pas peur. »

Plus que les JO, c’est l’Euro qui a effrayé les films estivaux. Presque Légal s’est décalé mi-juillet pour éviter l’effervescence du championat de football. Son réalisateur Max Mauroux espère séduire le public des 12-25 ans avec cette comédie qui aborde de manière burlesque la question de la place des jeunes sur le marché du travail.

La société Jokers cherche aussi à capter un public jeune avec sa comédie décalée Zénithal, qui mêle kung fu, combat féministe et réflexion sur les couples modernes. Elle a choisi la date du 21 août pour éviter non seulement les événements sportifs estivaux mais aussi les examens des spectateurs vingtenaires.

« Ça nous a paru la bonne fenêtre, loin des partiels et de la rentrée pour que ça soit une sortie insouciante et en faire un bon rendez-vous pour ce public qui a entre 20 ou 30 ans », espère son réalisateur Jean-Baptiste Saurel. « J’espère que la curiosité l’emportera malgré l’actualité. »

« Besoin de sincérité »

Une chose est sûre: le public encense plus que jamais les œuvres feel good ou du moins celle qui traitent leur sujet avec sincérité. Zénithal, qui ne ressemble à aucun autre film, et aborde « avec une vraie réflexion de fond », les grands sujets de notre temps, peut tirer son épingle du jeu dans « ce trop-plein de divertissement », espère son réalisateur.

« On vit une époque où les gens ont besoin de sincérité », insiste Léa Lando, qui s’est inspirée de l’histoire de son propre père pour Super Papa. « J’espère que notre film fera du bien à tout le monde. C’est toujours bien de faire une petite pause dans les vacances pour voir un film avec de l’amour, de la comédie, du sourire et de l’émotion. »

Le Larbin a lui aussi un atout majeur: Clovis Cornillac et Marc Riso, deux acteurs d’Un p’tit truc en plus, le succès de l’année. « Clovis fait une composition géniale et Marc a un potentiel comique incroyable doublé d’une humanité folle », vante Franck Magnier. « Ce sont les deux moteurs comiques de notre film. » Rien de tel pour affronter les JO.

Article original publié sur BFMTV.com

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