vendredi, juin 28

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) estime que 22 000 enfants sont victimes de violences sexuelles de la part de leur père chaque année.
Seulement 3 % des agresseurs sont condamnés, la plupart utilisant le syndrome d’aliénation parentale comme une stratégie de défense.
Bien que controversé, le terme continue d’être cité par les tribunaux, parfois sous des formes déguisées, afin de décrédibiliser la parole de l’enfant et de la mère.

Chaque année, 379 000 enfants mineurs expérimentent les séparations conjugales entre les adultes qui en ont la charge, selon la Drees. Or, le syndrome de l’aliénation parentale apparaît en cas de conflits entre parents selon Richard Gardner. Ce psychiatre américain est le premier à avoir introduit cette notion en 1985 afin de justifier la hausse des signalements de maltraitance d’enfants dans les années 80. 

Selon cette thèse, la mère aurait une influence telle sur son enfant qu’elle l’endoctrinerait pour qu’il rejette son père, allant jusqu’à lancer de fausses accusations de violence ou d’abus sexuel. Face à la controverse que suscitent les travaux de Richard Gardner auprès des scientifiques, la notion de syndrome a été peu à peu délaissée au profit d’une formule allégée : on parle désormais d’aliénation parentale. Construit en réaction aux critiques, ce terme désigne dorénavant dans le langage courant la manipulation et le dénigrement systématiques de l’autre parent. Cette définition continue toutefois de poser problème. 

L’aliénation parentale, un mythe ?

Pour Gwénola Sueur, co-auteur avec Pierre-Guillaume Prigent de « À qui profite la pseudo-théorie de l’aliénation parentale ? », on est face à un mythe « selon lequel les accusations de violences sexuelles sur les enfants seraient majoritairement fausses« , une notion « par essence antiféministe, voire misogyne« . 

Les deux chercheurs français remarquent qu’aux États-Unis, sur plus de 4000 jugements, quand la mère accuse le père de violence, s’il se défend en évoquant le syndrome de l’aliénation parentale, la résidence des enfants est transférée chez lui dans la moitié des cas. Cet avis est partagé par de nombreux féministes dont Patrizia Romito, l’auteur de l’ouvrage « Un silence de mortes : la violence masculine occultée » qui considère l’aliénation parentale comme un phénomène qui vise à occulter la violence des hommes.  

Pourquoi faut-il se méfier du syndrome d’aliénation parentale ?

Les travaux de Richard Gardner ont été largement réfutés par la communauté scientifique, notamment en raison de son profil. Favorable à la dépénalisation de la pédophilie et de l’inceste, il est accusé de servir ces causes avec la naissance de ce concept. Issu d’aucun fondement scientifique, le syndrome d’aliénation parentale n’apparaît pas dans le Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux (DSM) de l’Association américaine de psychiatrie. Il a également été rejeté de la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la Santé. 

De son côté, le Conseil de l’Europe déconseille vivement son utilisation en raison de ses effets pervers sur les enfants victime d’incestes par leur père. Le Conseil de l’Europe incite les professionnels à « considérer les accusations d’aliénation parentale portées par des pères abusifs à l’encontre des mères comme la continuation du pouvoir et du contrôle de ces derniers« . 

En France, dans le cadre du cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes, le ministère de la Justice a publié une notice en 2017 à la demande de la politique et féministe Laurence Rossignol. Elle met en garde contre l’utilisation de ce syndrome. 

Emprise maternelle ou éviction parentale, des déclinaisons ?

Malgré la controverse dont elle fait l’objet et l’appel de la Ciivise à la proscrire dans les processus de décision judiciaire, l’aliénation parentale continue d’être utilisée comme une stratégie de défense. Plusieurs associations masculinistes comme le Collectif de La Grue Jaune et SOS Papa évoquent ce syndrome pour accuser la justice de discrimination. Selon elles, elle favoriserait les mères dans la garde des enfants en raison de fausses accusations. 

L’ACALPA, association contre l’aliénation parentale, regroupe des psychologues et des juristes qui luttent pour sa reconnaissance officielle et la défense des enfants concernés. Parmi les psychologues, Jacques Biolley, auteur de l’ouvrage « Enfant libre ou enfant otage » décrit ce syndrome en préférant parler d’éviction ou d’exclusion parentale. Le terme d’emprise maternelle permet également de ne pas citer explicitement l’aliénation parentale. 


Emilie CARTIER pour TF1 INFO

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