vendredi, octobre 4

40 heures en 1936, 39 heures en 1982, 35 heures en 2000… La durée légale du temps de travail travail est abaissée depuis près d’un siècle. Au-delà de 35 heures, un salarié est payé en heures supplémentaires, davantage rémunérées.

En échange de la baisse du temps de travail, les entreprises bénéficient d’allègements de charges. L’idée d’une semaine de 32 heures, portée par la CGT, est reprise par certains à gauche comme le parti communiste lors de la dernière présidentielle.

Mais l’évolution pourrait se faire dans le sens contraire, avec la proposition de plusieurs députés de revenir sur la durée légale de 35 heures, comme Gérald Darmanin (Ensemble pour la République). « Oui aux économies, reprenons des réformes difficiles comme l’assurance chômage, travaillons davantage, remettons en cause les 35 heures. Comment on crée la croissance, de la richesse, des cotisations ? En travaillant davantage (…) n’augmentons pas les impôts nous allons créer du chômage », a plaidé l’ancien ministre de l’Intérieur sur France Info jeudi, alors qu’il s’oppose aux hausses d’impôts évoquées par le Premier ministre pour le budget 2025.

Une idée reprise également par des économistes proches de la droite comme Christian Saint-Étienne sur LCI.

Le retour aux 39 heures est une demande fréquemment mise en avant par la droite depuis 2000, sans jamais avoir abouti. Mais alors que Michel Barnier cherche à faire des économies tous azimuts pour combler le déficit, l’idée pourrait bien séduire la droite et être débattue à l’Assemblée.

25 ans après leur mise en application, les 35 heures continuent de diviser sur leurs conséquences sur l’économie française. D’autant qu’elles sont difficiles à mesurer sur le long terme, de nombreux aménagements ayant été mis en place dans les années suivantes.

La mise en place des 35 heures a abouti à la création d’emplois – 420 000 selon l’OFCE. « 350 000 emplois, sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises », écrit de son côté l’Insee dans une note.

Des statistiques toutefois remises en cause par les opposants aux 35 heures, qui estiment que ces créations d’emplois sont davantage dûs à la croissance moyenne de l’époque entre 3% et 4%, qu’au passage aux 35 heures.

Le plus grand reproche fait aux 35 heures depuis leur mise en application, c’est l’impact sur la compétitivité. L’institut de conjoncture COE-Rexecode, réputé proche du Medef, « voit les 35 heures comme une réforme ‘uniforme et coûteuse, qui a limité les capacités d’adaptation des entreprises’. Donc comme une explication au problème de compétitivité de la France depuis le début des années 2000 et au décrochage de la France par rapport à l’Allemagne », rapporte Le Figaro.

De son côté, l’Insee rejette cet argument et considère que « les réorganisations du travail, les allégements de cotisations sociales et la modération salariale semblent avoir été suffisants pour assurer l’absence de coûts salariaux supplémentaires ».

Mais ce qui est au coeur aujourd’hui des débats publics, c’est le déficit. Et selon plusieurs rapports, l’impact pour les finances publics est lourd, notamment en raison d’allègements de charges sociales offerts aux entreprises par l’État pour les inciter à adopter la réduction du temps de travail (RTT).

En 2015, la direction du Budget évaluait la facture entre 11 et 13 milliards par an depuis 2006 et à 12,8 milliards en 2013, dans un rapport parlementaire sur l’impact des 35 heures, un chiffre proche de celui de la Dares. Un calcul toutefois délicat à établir avec certitudes en raison des différentes adaptions des 35 Heures depuis réalisées.

Un coût qui ne prend pas en compte certaines de ces adaptations comme la défiscalisation des heures supplémentaires, en place entre 2007 et 2012 par exemple. Mais qui ne prend pas en compte non plus le surplus de cotisations pour la Sécurité sociale et les comptes de l’État liées aux 350 000 créations d’emploi estimées par l’Insee.

Si l’Insee se refuse au calcul, trop hasardeux, un rapport parlementaire rédigé en 2014 a tenté un calcul en déduisant de ce coût les cotisations sociales générées par les créations d’emploi ou les économies réalisées sur l’assurance chômage grâce à la baisse du chômage. Et d’estimer que les 35 heures n’ont, en réalité coûté « que » 2,5 milliards d’euros, rapportait alors Libération.

Si les sondages sont relativement rares ces derniers mois sur la durée du temps de travail, les Français sont plutôt opposés à un allongement. En 2019, 54% des Français étaient opposés à l’idée de « travailler davantage » en France, selon un sondage Ifop pour le JDD. Mais dans le cas où les Français seraient amenés à travailler plus, les sondés citent en premier lieu le fait de travailler plus dans la semaine par l’abandon des 35 heures (41 %). Viennent ensuite l’augmentation des années de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein (25 %) et la suppression d’un ou de plusieurs jours fériés dans l’année (14 %), tandis que 20 % ne privilégient aucune de ces solutions.

En 2015, 52% des Français se disaient favorables au maintien des 35 heures dans un sondage Viavoice réalisé pour le journal Libération. 40% des interrogés disaient ne pas souhaiter rester aux 35 heures et 8% sans avis. Si les électeurs de gauche approuvaient à 72% les 35 heures, les sympathisants de droite ne souhaitaient pas, à 67%, conserver ce régime. 68% des ouvriers et employés disent vouloir rester aux 35 heures, alors que « seulement » 53% des cadres y sont favorables.

Si le chef de l’État n’a plus la majorité à l’Assemblée, il peut toutefois peser via les députés proches de ses idées. Pas encore à l’Élysée, Emmanuel Macron chargeait les 35 heures comme ministre de l’Économie, estimant que la gauche avait eu par le passé de « fausses bonnes idées », notamment celle de prétendre « que la France pourrait aller mieux en travaillant moins ». Avant de préciser qu’il ne parlait pas des 35 heures. Sa conseillère de l’époque est la nouvelle ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

À Davos, en janvier 2016, il estime que les nouvelles règles de négociations en entreprise « signent de facto la fin des 35h ». Il rectifie encore le tir par la suite, précisant qu’il ne faut pas supprimer la durée légale mais assouplir les règles qui l’entourent. Pas encore officiellement candidat, il proposait de sortir des 35 heures pour les jeunes. « Quand on est jeunes, 35 heures, ce n’est pas long. Il faut donc plus de souplesse, plus de flexibilité. (…) Quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas assez », expliquait-il à l’Obs.

Au sein du gouvernement, l’augmentation de la durée du temps de travail est notamment soutenue par Bruno Retailleau, qui sur France Inter, en 2020 appelait à « accepter de se retrousser les manches pour pouvoir gagner plus, travailler plus. Ça veut dire sortir du mensonge asséné aux Français depuis des années, en leur faisant croire qu’en travaillant toujours moins, on pouvait garder des services publics de très grande qualité, et qu’on pouvait améliorer son niveau de vie. Je pense que la durée hebdomadaire n’est plus le bon pas de temps pour le temps de travail, et que pendant une année il faudra accepter de travailler jusqu’à 37 heures par semaine ».

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