vendredi, juin 28

Cette semaine, ils sont nombreux à avoir vendu leur âme, leurs électeurs, leurs idées, leurs convictions pour pas grand-chose. Eric Ciotti, le président des Républicains, est blâmé par nombre d’élus et caciques de son parti, comme Valérie Pécresse, pour s’être « vendu pour un plat de lentilles » en nouant une alliance avec le Rassemblement national ; le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, est accusé par le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, d’avoir « vendu le Parti socialiste, qui était un grand parti de gouvernement, pour un plat de lentilles, pour quelques places », etc. On ne compte plus les plats de lentilles servis à gauche comme à droite.

Le mardi 18 juin, c’est Maurice Lévy, dans une tribune publiée dans Le Monde, qui reprend cette formule. « Comment des démocrates, des hommes et des femmes épris de la France de Jaurès et de Blum peuvent-ils s’asseoir à la table de LFI pour un plat de lentilles, surtout après la magnifique campagne de Raphaël Glucksmann ? », s’indigne le président d’honneur de Publicis.

Plutôt tombée en désuétude, l’expression « pour un plat de lentilles » revient avec force. Dans Le Monde, la formule est citée pour la première fois le 3 octobre 1945 dans un article de Rémy Roure consacré aux toutes premières élections législatives d’après-guerre, les premières couvertes par le jeune quotidien du soir. A l’époque, c’est le « parti radical, qui a cédé son droit d’aînesse pour un plat de lentilles », note le journaliste, quand « le Mouvement républicain populaire, avec sa jeune ardeur, a conquis une large place au soleil ».

Virée espagnole

On retrouve des lentilles à toutes les sauces tout au long des années 1950 à 1980 majoritairement dans les articles politiques (élections) mais aussi économiques (négociations syndicales) ou consacrés aux actualités internationales. Il arrive de les retrouver en titre comme le 14 septembre 1964 : « Treize millions de touristes en 1964 ou l’Espagne pour un plat de lentilles ». Ce récit de José-Antonio Novais revient sur la lassitude des Espagnols qui se voient « envahis » par les touristes européens, des « être[s] qui se rôti[ssen]t au soleil dès les premières heures de l’été ».

Un écrivain, interrogé par le journaliste, s’indigne : « Ils viennent “faire” ­l’Espagne en quinze jours sans même prendre le temps de respirer, le nez fixé sur leurs guides… » Un autre s’emporte : « Le tourisme est une honte ! Le gouvernement, qui se dit catholique, vend la morale traditionnelle de ­l’Espagne pour un plat de lentilles. » Ironique, le reporter du Monde ajoute : « Les lentilles, il faut le reconnaître, sont substantielles. Au cours des quatre dernières années les visiteurs étrangers ont abandonné 1 874 millions de dollars et les rentrées touristiques en devises, pour la seule année 1963, ont représenté 98 % de l’ensemble des exportations espagnoles. »

Il vous reste 56.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version