samedi, octobre 12

Une dernière démonstration pour la route ? Le Tour de Lombardie, ultime Monument de la saison, offre samedi à Tadej Pogacar l’occasion de parachever l’une des plus grandes saisons de l’histoire du cyclisme.

Sur les bords du lac de Côme, où se dénouera la 118e édition de la « classique des feuilles mortes », le Slovène, triple vainqueur sortant, peut écrire un nouveau chapitre de son livre « A la poursuite des plus grands » en égalant Fausto Coppi, le « Campionissimo », seul à avoir gagné la course quatre années de rang, à la fin des années 1940.

Qu’il soit le grandissime favori tombe sous le sens.

Parce qu’il sent que « les jambes sont encore très bonnes » au départ du plus montagneux des cinq Monuments, alors que ses rivaux comme Remco Evenepoel commencent à rouler sur la jante et que Primoz Roglic, Jonas Vingegaard, Mathieu van der Poel ou Julian Alaphilippe sont déjà en vacances.

Mais surtout parce qu’il a encore changé de dimension en 2024 pour atteindre un niveau stratosphérique lui permettant de signer une des plus grandes saisons de tous les temps.

– Un bilan effrayant –

Il a commencé l’année en gagnant les Strade Bianche sur un raid solitaire de 81 kilomètres. A enchaîné sur une victoire au Tour de Catalogne avec quatre étapes en prime. Gagné Liège-Bastogne-Liège, puis réussi une doublé Giro-Tour de France inédit depuis 1998 en remportant à chaque fois six étapes au passage. Raflé le Grand Prix de Montréal, les Championnats du monde en attaquant à 100 km de l’arrivée et enfin le Tour d’Emilie à l’issue d’une nouvelle chevauchée fantastique, sa spécialité maison.

Au final, le bilan est tout simplement effrayant: il s’est aligné sur dix épreuves en 2024 et en a gagné huit, pour 24 succès au total en comptant les étapes. Soit le meilleur total sur une année depuis le sprinteur italien Alessandro Petacchi en 2005.

Il a été battu seulement par Jasper Philipsen à Milan-Sanremo (3e), Michael Matthews au GP de Québec, où sa septième place est son pire résultat de l’année, et… la pluie mardi au Trois Vallées varésines lors d’une course arrêtée par les intempéries.

Il faut remonter très loin, sans doute jusqu’aux grands crus d’Eddy Merckx dans les années 1970 pour retrouver une saison aussi cannibalesque et aussi complète.

Le Slovène est déjà le premier coureur de toute l’histoire du cyclisme à avoir gagné la même année le Giro, le Tour, les Mondiaux et au moins un Monument.

Le grand Eddy lui-même s’est incliné après les Mondiaux en déclarant que Pogacar était désormais « au-dessus », même s’il a ensuite nuancé ses propos en précisant que ceux-ci portaient uniquement sur le cavalier seul du Slovène de 26 ans à Zurich.

Face à la presse vendredi, Pogacar s’est dit « flatté » d’être comparé à Merckx. « Mais on parle d’une autre ère dont je ne connais presque rien. Je ne me comparerai jamais à qui que ce soit. Je juste être le meilleur du moment », a-t-il ajouté.

– Lassitude –

Le peloton, lui, commence à avouer sa lassitude.

« Tout le monde ressent une certaine fatigue. Sérieux ? Encore ? », a soupiré cette semaine l’Américain Larry Warbasse sur le podcast « The Cycling Podcast ».

« Quand il a commencé à gagner, tout le monde s’est dit: il faut anticiper. Mais désormais il anticipe les anticipations. Il a course gagnée avant que quiconque ait pu tenter quelque chose », a ajouté le coureur de l’équipe Décathlon-AG2R qui dit croire à la probité du Slovène, parfois mise en doute vu sa domination dans un sport longtemps gangréné par le dopage.

« Forcément il y aura toujours des gens qui vont chercher des explications plus sombres, surtout dans le cyclisme. Mais je crois qu’il est juste le plus doué d’entre nous. »

« Le cyclisme est victime de son passé. Il n’y a pas de confiance et je ne sais pas ce qu’on peut faire pour la regagner », a commenté Pogacar vendredi, répétant qu’il trouvait « stupide » de mettre sa « santé en jeu pour dix ans de carrière ».

Au Tour de Lombardie, sur un parcours inédit, légèrement modifié vendredi à cause des pluies de ces derniers jours mais toujours très difficile, tout le monde s’attend à un nouveau récital du Slovène. La principale – voire l’unique – interrogation semble porter sur l’endroit précis entre Bergame et Côme où il placera son accélération.

Le col de Sormano (12,9 km à 6,4%) clignote en rouge sur tous les radars. On sera alors à un peu moins de cinquante kilomètres de l’arrivée. Une distance devenue banale pour le Pogacar 2024.

jk/alh

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