dimanche, juin 30

Juillet 1998-juin 2024 : voilà vingt-six ans que Pinar Selek est victime d’un acharnement judiciaire de l’Etat turc pour n’avoir fait que son travail de chercheuse. Sociologue, s’intéressant aux groupes opprimés et aux minorités, elle est victime, comme beaucoup d’autres, de la répression que subissent les intellectuels en Turquie et dans le monde.

Depuis près de trente ans, elle restitue au plus près du terrain les transformations de la société turque, mène des enquêtes pour comprendre les mécanismes des violences qui en façonnent l’ordre social et politique, mais aussi les formes de résistance face à l’intersectionnalité des systèmes de domination.

En 2015, elle interroge dans une œuvre autobiographique, Parce qu’ils sont arméniens (éd. Liana Levi, nouvelle édition mars 2023), l’identité des Arméniens de Turquie, et, un siècle après le génocide arménien, la place de celui-ci dans la société turque. Ses recherches menées en France autour de la crise migratoire allient l’analyse des migrations à celle des mouvements sociaux.

Elle dénonce la production de la violence masculine

En août 2023, défiant la censure qui accompagne la réouverture de son cinquième procès en Turquie, dans un ouvrage, Le Chaudron militaire turc (éd. Des femmes, 2023), elle sonde le service militaire, obligatoire en Turquie, à travers une enquête de terrain menée en 2007 et réactualisée quinze ans après. Elle y dénonce la production de la violence masculine, et, à travers elle, la montée des régimes autocratiques.

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C’est sans aucun doute pour cela que Pinar Selek est persécutée par le pouvoir turc : parce qu’elle mène ses recherches en dérangeant, parce qu’elle écrit en dénonçant, parce qu’elle défend, en tant qu’intellectuelle reconnue, les droits des minorités, parce qu’elle « persiste et signe », en bref parce qu’elle respecte la nécessaire indépendance des universitaires, gage d’excellence des libertés académiques, ainsi que le promulgue l’article 15 de la loi française de programmation de la recherche du 24 décembre 2020.

C’est pour cela qu’elle a été emprisonnée dans son pays natal, pendant deux ans et demi, torturée, accusée d’avoir participé à un « attentat » – qui s’est avéré être une explosion accidentelle – alors qu’elle se trouvait déjà en prison. Libérée en décembre 2000, elle est toujours poursuivie par la justice et acquittée à quatrereprises (en 2006, 2008, 2011, 2014).

Des soutiens institutionnels et de personnalités

Mais alors qu’elle est exilée en France depuis 2011, qu’elle y a obtenu le statut de réfugié en 2013, la nationalité française en 2017, puis un poste pérenne d’enseignante-chercheuse en sociologie à l’université Côte d’Azur, rien ne présageait que la Cour suprême de Turquie annule, en 2022, le dernier acquittement et lance un mandat d’arrêt international à son encontre, assorti d’un mandat d’emprisonnement et d’une demande d’extradition.

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