vendredi, mai 17
L’entrepreneur Pierre-Edouard Stérin, dans les locaux d’Otium Capital, le 1ᵉʳ février 2022, à Paris.

En ce début de 2023, Vincent Bolloré accueille à la Villa Montmorency, dans le 16e arrondissement de Paris, le timide et souriant Pierre-Edouard Stérin. Cet autre milliardaire, fervent catholique et désireux comme lui de « sauver la France », est venu lui parler de ses rêves du moment, dont l’offre de rachat du groupe Editis − avortée depuis. Face au Breton, qui se dit né avec une cuillère d’argent dans la bouche, lui, originaire d’Evreux, se vit en vilain petit canard qui a enchaîné les échecs et « bossé toute sa vie comme un chien » pour réussir. Vingt ans à faire fructifier les coffrets Smartbox, qu’il a créés et délocalisés en Irlande, pour se bâtir une fortune de 1,2 milliard d’euros, la 104e de France.

Peu connu du public, exilé fiscal en Belgique, le quinquagénaire mû par l’envie de « give back » (« redonner » en français) entend, en outre, déshériter ses cinq enfants pour léguer ce milliard à son propre fonds de « philanthropie ». Et voudrait, chagrin que la France boude ses grandes fortunes, que cela se sache. Il n’en admire pas moins en Bolloré le « superentrepreneur » et son puissant groupe, dont la chaîne d’opinion ultra-conservatrice CNews grignote les parts de marché de BFM-TV. Que la rédaction du Journal du dimanche (JDD) ait été décimée ne le choque pas : un propriétaire « fait ce qu’il veut chez lui ». Les journaux n’y font pas exception.

Cette pensée revient forcément, un an après, alors que Pierre-Edouard Stérin est cette fois candidat au rachat de l’hebdomadaire Marianne. Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui a investi 20 millions d’euros dans le magazine − dont 5 millions pour l’acheter − depuis 2018, cherche à s’en séparer. Et, parmi les repreneurs potentiels, le Normand figure en bonne place.

« Des seaux de boue »

Une offre en « amoureux de la liberté », dit-il. « Question de pluralisme », assure-t-il au Monde, depuis ses bureaux, à Bruxelles, confirmant pour la première fois son intérêt pour l’hebdomadaire, son business plan en tête. « Si Marianne peut gagner 2 millions d’euros par an, dans deux ou trois ans, avec un plan de croissance convaincant, sur le Web notamment, son prix de marché pourrait être multiplié par sept, soit 14 millions, calcule-t-il à toute vitesse. Si on le paie 10 millions, on va faire tout le boulot pour gagner 4 millions, mais ce n’est pas déraisonnable. »

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Seulement voilà, fin avril, Denis Olivennes, bras droit de Daniel Kretinsky, est retenu par la manche. « Si Kretinsky vend Marianne à un type comme Stérin, il va prendre des seaux de boue », l’avertit Maurice Szafran, cofondateur du magazine avec Jean-François Kahn. Il faut à tout prix, plaide-t-il, « éviter que Marianne ne tombe dans les mains de quelqu’un d’extrême droite ». Trois autres offres jugées sérieuses penchent toutes très à droite de l’échiquier. Les héritiers d’Iskandar Safa, propriétaires de Valeurs actuelles, étudient d’ailleurs le dossier avant de se positionner.

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