lundi, juillet 1

Parentification : qu’est-ce que l’enfant thérapeute ?
Qu’est-ce que l’enfant thérapeute ou enfant béquille ?
En quoi consiste le rôle de l’enfant thérapeute ?
Parentification : Quand l’enfant devient le soignant du parent
Parler de tout à un enfant est possible à condition de s’adapter à sa maturité émotionnelle.
Quand les rôles sont inversés, les enfants deviennent thérapeutes ou béquilles du parent défaillant.
Même si ce processus se met parfois en place de manière inconsciente, il n’est pas sans danger pour la santé mentale du jeune individu.

Apparue pour la première fois en 1973 dans l’ouvrage « Invisible loyalties » des psychiatres Ivan Boszormenyi-Nagy et Géraldine M. Sparks, la notion de parentification a été définie en France en 1999 par le psychiatre Jean-François Le Goff dans son livre « L’enfant, parent de ses parents ». Pour ce spécialiste, un enfant thérapeute endosse des responsabilités plus importantes que n’implique son âge. Il s’agit d’une inversion des rôles entre parents et enfants. Appelés thérapeutes ou béquilles, ces derniers font office de confidents et soignants. 

Qu’est-ce qu’un enfant thérapeute ?

Un enfant thérapeute soutient moralement sa mère ou son père. Il gère leurs soucis et/ou mal-être. Le jeune individu joue le rôle d’exutoire. Le parent s’ouvre à son enfant sans filtre, comme s’il s’agissait de son égal. Ainsi, les sujets comme les problèmes d’argent, de santé, de couple ou de sexualité, sont abordés avec l’enfant alors même qu’il n’est pas en âge de les considérer.

L’enfant s’évertue à devenir exemplaire pour ne pas causer de tracas supplémentaires à son parent. Il répond à toutes les attentes et les sollicitations de sa mère ou de son père. Suivant le contexte, l’enfant thérapeute peut être amené à gérer le budget de la maison, à écouter les peines de cœur de son parent et le consoler.

Comment devient-on un enfant béquille ?

L’enfant thérapeute (ou béquille) découvre les peurs de son parent à travers ses confidences. Par réflexe, cela développe chez lui une dynamique de consolation. Le psychanalyste Bruno Clavier, auteur de « Ces enfants qui veulent guérir les parents » explique que les enfants sont de vraies éponges émotionnelles. Quand les parents vont mal, ils essaient de leur remonter le moral, notamment en se conduisant comme des enfants idéaux. 

Pour le spécialiste, ce processus de parentification se met en place dans toutes les familles, parfois sans que le parent en prenne conscience. Cependant, il constate une inversion des rôles plus importante quand les parents sont atteints d’une maladie, ou endeuillés, dépressifs, alcooliques, etc. 

Samuel Dock, docteur en psychopathologie, revient sur son histoire familiale dans son livre « L’Enfant thérapeute ». Il définit son statut d’enfant béquille comme un « antidépresseur » pour sa mère. À l’âge de quatorze ans, il est devenu le thérapeute de sa mère en la soutenant moralement après le départ de son père et l’anorexie de sa sœur, ainsi qu’en voulant la soigner et la guérir de toutes ces pathologies. La parentification lui offrait une « gratification narcissique », l’espoir d’exister auprès de sa mère. 

Les conséquences sur la santé mentale

La psychanalyste Christine Ulivucci, auteur de l’ouvrage « Ces photos qui nous parlent » met en garde contre l’inversion des rôles. Malgré tous les efforts que peuvent fournir les enfants thérapeutes, il est impossible de guérir ses parents. Pour cette spécialiste, il faut discerner la frontière entre aide et sacrifice filial. Ne pas sombrer dans la dépendance ou l’emprise et donner sans être vampirisé restent indispensables pour se préserver et ne pas servir de déversoir.

Bruno Clavier alerte également sur les conséquences. La mise en place de ce rapport inversé peut entraîner chez l’enfant des troubles comme des TOC, de l’agressivité ou des cauchemars. Le risque de transfert émotionnel s’avère bien réel. L’enfant s’approprie la souffrance de son père ou de sa mère, ou développe un faux-self. Cela correspond à un déni de sa propre souffrance. 

Une fois adulte, l’ancien enfant thérapeute peut aussi souffrir d’un syndrome du sauveur ou une tendance à faire passer les autres avant soi. Pour éviter de faire porter à son enfant un poids qui n’est pas le sien, Christine Ulivucci conseille aux parents de travailler sur eux, notamment au moyen d’une thérapie. 


Emilie CARTIER pour TF1 INFO

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