vendredi, mai 3

Les risques de pénurie de médicaments ont bondi en France ces deux dernières années.
Le gouvernement a présenté sa « feuille de route » pour tenter d’en limiter les conséquences.
Ordonnances de non-prescription, médicaments vendus à l’unité, relocalisations… Tour d’horizon des principales mesures.

La France face au risque de pénuries de médicaments. L’an dernier, les difficultés d’approvisionnement se sont encore aggravées dans le pays. D’après l’Agence de sécurité des produits de santé (ANSM), près de 5000 signalements de ruptures de stocks ou risques de ruptures ont été enregistrés en 2023 (+128% par rapport à 2021). Plusieurs types de médicaments sont concernés, à commencer par ceux de la sphère cardio-vasculaire, du système nerveux ou des produits anti-cancéreux. Une situation qui oblige le gouvernement à intervenir.

« Tous les pays connaissent des tensions d’approvisionnement », a noté le Directeur général de la Santé (DGS), le Dr Grégory Emery, lors d’un point presse, mais la France a voulu multiplier les mesures à un « cadre réglementaire particulièrement protecteur. » Parmi elles, la possibilité pour le ministre de la Santé de déclencher un « plan blanc du médicament ». Lorsque les tensions sont trop accrues, le gouvernement peut ainsi contraindre les pharmaciens à vendre certains médicaments « à l’unité », ou encore avoir recours à des « préparations officinales » habituellement utilisées à l’hôpital pour les transférer en ville.

Ordonnances de non-prescription

Ces mesures d’urgence s’accompagnent aussi de leviers d’actions. L’exécutif compte ainsi « promouvoir un bon usage des médicaments, notamment des antibiotiques », avec un « renforcement de la communication auprès des prescripteurs ». Les médecins pourront ainsi remplir une « ordonnance de non-prescription » afin d’expliquer aux patients pourquoi ils ne leur prescrivent pas d’antibiotiques.

Les patients, justement, sont, à leur tour, appelés à la responsabilité : un traitement prescrit pour deux jours ne doit pas être utilisé plus longtemps, dans le but de limiter la consommation de médicaments à la stricte ordonnance, insiste le DGS.

Le gouvernement souhaite également que les « logiciels d’aide à la prescription » soient plus utiles pour les médecins. Des travaux sont menés pour que « les informations remontent mieux sur l’indisponibilité des médicaments en situation de pénurie », afin que les médecins ne les prescrivent pas, indique le Dr Grégory Emery. L’entrée en vigueur est prévue cette année. En 2025, l’objectif est que les logiciels offrent aux médecins « des alternatives » à prescrire.

Des « médicaments stratégiques » bientôt produits en France

Outre ces mesures, l’État souhaite aussi relocaliser la production de nombreux « médicaments stratégiques ». L’une des raisons de la pénurie se trouve dans la « hausse de la demande mondiale », fait savoir le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM. « L’importation est plus complexe, car nos voisins subissent aussi des situations de pénuries. » Dès lors, « l’augmentation des capacités de production sur notre territoire » est une priorité, affirme Mathilde Bouchardon, conseillère au ministère chargé de l’Industrie.

Dans le détail, « 147 médicaments stratégiques » dépendent de pays « extra-européens », souligne-t-elle. « Nous allons mettre le paquet pour en relocaliser dans les années qui viennent », évoquant une échéance de « deux à cinq ans » selon les produits. L’an dernier, Emmanuel Macron avait annoncé que la production de 25 médicaments serait relocalisée dans le pays. « Il y en aura plus », promet désormais le ministère, qui compte aussi sur une « coordination au niveau européen. »

À plus court terme, l’exécutif espère surtout profiter d’une demande de médicaments en baisse pour recharger les stocks. « Avec l’accalmie autour des épidémies de Covid-19 et de bronchiolite, mais aussi les vacances scolaires qui entraînent une moindre activité, la demande de médicaments est en baisse en ce moment », selon la directrice générale de l’ANSM, qui précise que la chaîne d’approvisionnement fonctionne tout de même en « flux tendu ». « Il faut en profiter pour que cela nous permettre de reconstituer les stocks afin de revenir à un fonctionnement plus fluide. » Et ainsi limiter les risques de pénuries.


Idèr NABILI

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