samedi, octobre 26

Alors que l’heure est aux économies massives du côté du gouvernement, les collectivités territoriales payent régulièrement leurs fournitures très chères.
Un phénomène d’autant plus préoccupant que les dépenses en la matière représentent 15% du total de la commande publique chaque année.
Alors existe-t-il un gaspillage de l’argent public ? Le 20H de TF1 apporte des éléments de réponse.

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Budget 2025 : la France doit trouver 60 milliards d’euros

La publication est devenue virale. Il y a quelques jours, un salarié d’un lycée français s’est insurgé sur X contre la nécessité, pour les établissements scolaires, d’acheter leur matériel à certains fournisseurs. L’exemple qu’il a donné, celui d’une ampoule acquise moyennant la coquette somme de… 48 euros, a suscité un début de polémique à l’heure où le gouvernement traque la moindre économie et incite tous les secteurs à se serrer la ceinture. Les équipes de TF1 sont allées sur le terrain pour voir ce qu’il en était vraiment de ces éventuels surcoûts pour les collectivités territoriales , sachant que les dépenses en fournitures représentent 15% de la commande publique, soit plus de 13 milliards d’euros.

L’enquête débute à Fleury, une petite commune de la Manche. C’est dans ce village d’un millier d’âmes que la municipalité a installé une nouvelle aire de jeu dans l’école, il y a de ça un an et demi. Mais, pour cela, elle a dû se plier à une multitude de règles. « Ce sont des tapis amortisseurs pour les enfants. Avant, on mettait par exemple du sable, qui coûtait beaucoup moins cher. Maintenant, c’est pratiquement une obligation de mettre ça », souligne le maire (SE) Daniel Vesval. En raison de ces normes, la mairie a dépensé 6000 euros pour cette structure, sans compter la pose. « Ça représente quand même un budget assez important par rapport au budget communal », pointe l’élu. 

Pour construire cette structure, la commune a consulté les nombreux catalogues envoyés par les centrales d’achat publiques, ces revendeurs spécialisés qui s’adressent aux écoles, aux hôpitaux et administrations. Tous proposent des tarifs comparables, des tarifs surtout trop élevés, selon Daniel Vesval. « Par exemple, vous voyez celui-ci, 1700 euros. Bah oui, ce sont les prix. L’avantage, c’est qu’on est sûr d’avoir du matériel conforme. Maintenant, on a un petit peu, je dirai, les mains liées par rapport au prix », déplore l’édile. Le matériel scolaire en est sans doute la meilleure preuve. Le tableau, proposé dans les catalogues à 500 euros, coûte environ 200 euros sur Internet. Le kit de traçage (règle, équerre, rapporteur) est vendu 50 euros par les centrales d’achat contre 30 seulement en ligne. 

Les collectivités ont le choix

Edward Jossa, PDG de l’UGAP

Mais peut-on, pour autant, parler de gaspillage de l’argent public ? Non, à en croire l’un des principaux acteurs. « Nous avons en amont (de l’achat) des personnels qui aident les collectivités ou l’ensemble des clients à faire les choix les plus pertinents possibles. Et surtout, nous avons des services d’après-vente. C’est-à-dire tout ce travail autour de la qualité de l’achat, de bout en bout, qui fait notre valeur », plaide Edward Jossa, PDG de l’UGAP (Union des groupements d’achats publics), la plus grosse centrale d’achat publique, pour justifier ses tarifs. « Les collectivités ont le choix. Elles peuvent passer par nous, mais elles peuvent (aussi) passer par les achats en direct », assure-t-il. 

Une règlementation stricte qui incite à recourir aux centrales

En effet, rien n’oblige les acheteurs – en l’occurrence les collectivités territoriales et établissements publics – à passer par ces centrales d’achat. D’ailleurs, au lycée professionnel Georges Charpak, à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), il n’est pas question de se limiter au catalogue. La secrétaire générale de l’établissement passe de longues heures à écumer les meilleurs prix sur Internet. Exemple anodin mais parlant, elle a trouvé des chasubles, demandées par les professeurs de sport, bien moins chères que celles via les circuits officiels. « 10 euros et quelques les quatre, au lieu de 18,52 euros. Donc il vaut mieux, effectivement, commander ailleurs qu’à l’UGAP », plaisante Christine Teston, au micro de TF1. 

Toutefois, le lycée, comme tous les autres établissements publics, est soumis à des règles strictes. Il doit ainsi demander au moins trois devis à des entreprises différentes, rentrer les factures dans une plateforme en ligne. En clair, faire des économies demande beaucoup de travail au personnel chargé des différents achats. « C’est de l’investissement personnel, du temps. Ce n’est pas toujours facile à trouver parce qu’on n’a pas que les commandes à gérer », pointe la secrétaire générale. Autant dire que de nombreuses administrations font le choix de la facilité et de la rapidité en se tournant vers les centrales d’achats. 

Cela étant dit, ces formalités, qui répondent au droit européen, sont nécessaires, assure le gouvernement. « C’est un moyen d’assurer une certaine équité et une égalité d’accès aux différents fournisseurs de toute l’Union européenne, et même au-delà, aux commandes des acheteurs publics dans toute l’Europe », plaide François Adam, directeur des achats de l’État (DAE), rattaché au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Pas question donc d’explorer cette piste pour aider l’État à faire les économies qu’il recherche désespérément pour l’année 2025. 


M.G | Reportage : Léa KEBDANI, Pauline LORMANT

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