Ils étaient près de dix millions de fans de 158 pays à avoir fait la queue sur le site Internet durant des heures pour acheter le Graal : un ticket pour le concert du groupe Oasis, qui s’est enfin reformé. Avant de se voir proposer un billet dont le prix avait doublé pendant leur attente. Scandale au Royaume-Uni. Le premier ministre, Keir Starmer, interpellé au Parlement, s’en émeut.
Les célèbres chanteurs de Manchester cèdent donc à la cupidité des sites américains de ventes de billets, qui ajustent le tarif en temps réel en fonction de la demande. Comme pour un vulgaire billet d’avion, le monde du spectacle plonge dans la spirale vénéneuse de la tarification dynamique, grande invention commerciale qui s’est développée à partir des années 2000.
Ce n’est pas la première fois que Noel et Liam Gallagher déçoivent leur public. La dernière fois, c’était au festival Rock en Seine, à Paris, le 28 août 2009. Deux minutes avant le début du concert, les deux frères, qui ne se parlaient plus, se disputent et s’envoient des guitares à la figure. Vers 22 heures, l’organisateur annonce aux 30 000 spectateurs que « le groupe [Oasis] n’existe plus ». Autant dire que l’annonce de leur réconciliation a emporté l’enthousiasme de millions d’aficionados. Avant la douche froide de la facture.
Lutter contre les reventes sauvages
Dans un communiqué, les deux frères affirment ne pas avoir été au courant et promettent deux concerts supplémentaires. Pourtant, cela fait déjà longtemps que le responsable de la billetterie, Ticketmaster, utilise cette pratique aux Etats-Unis, où il détient plus de 70 % du marché des grands concerts. La firme, filiale du géant du spectacle Live Nation, assure que c’est le moyen le plus juste et économique pour lutter contre les reventes sauvages de billets.
Sur certains sites, comme StubHub ou Viagogo, les billets des concerts de Lady Gaga, de Taylor Swift ou de U2 se revendent jusqu’à plus de dix fois le prix facial. Autant d’argent perdu pour les organisateurs et les artistes. Mais, voilà, les fans trouveront moins injuste de devoir en appeler au marché noir à des prix de folie que de voir le type juste devant eux dans la queue payer son billet 20 % moins cher.
Cette pratique de la tarification dynamique, vieille de plusieurs décennies, s’est d’abord généralisée dans l’aérien, le transport ou encore l’hôtellerie. Uber a bouleversé le monde des taxis en adaptant ses prix à la demande plutôt qu’en utilisant un compteur. Avec l’intelligence artificielle, elle se répand comme une traînée de poudre : les commerces, les restaurants, le sport… Elle fait le bonheur des acheteurs malins et des vendeurs. Mais elle déstabilise nombre de clients qui ne savent plus le prix des choses. Une incertitude qui, elle aussi, a un prix, celui de la colère.