samedi, mai 18
Oliver Stone dans le documentaire « Nuclear Now ».

PARIS PREMIÈRE – DIMANCHE 5 MAI À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE

Le nucléaire va-t-il contribuer à sauver le monde ? Le cinéaste Oliver Stone n’en doute plus, depuis qu’il a lu A Bright Future (« un avenir radieux »), de Joshua S. Goldstein et Staffan A. Qvist (PublicAffairs, 2019, non traduit). Le livre s’appuie sur les choix énergétiques de pays européens, dont la France, pour démontrer que l’énergie nucléaire est un élément incontournable de la lutte contre le réchauffement climatique. « Nous n’avons plus le temps d’avoir peur », estime le cinéaste aux trois Oscars : meilleur scénario adapté pour Midnight Express, d’Alan Parker (1978), meilleur réalisateur pour Platoon (1986) et pour Né un 4 juillet (1990). Sa notoriété lui a d’ailleurs ouvert des portes, notamment en Russie, pendant les deux ans d’enquête nécessaires à la réalisation de ce long plaidoyer pour l’énergie nucléaire.

L’impériosité justifie tout aux yeux d’Oliver Stone : musique oppressante, plans chocs. Avec toujours un même fil rouge. Qu’il s’agisse de dénoncer les horreurs de la guerre, un complot (JFK, 1992) ou d’exprimer sa quasi-fascination pour Fidel Castro (Comandante, 2003) ou Vladimir Poutine (Conversations avec monsieur Poutine, 2017), il continue de régler ses comptes avec son pays.

Lobbying des « 7 sœurs »

Aussi ce film s’adresse-t-il au grand public américain. Ce qui paradoxalement en fait en partie l’attrait, notamment dans la première partie, historique. S’appuyant sur les grandes figures de la science, de Pierre et Marie Curie à Stephen Hawking, ce récapitulatif parfois méconnu relate ainsi le développement mondial du nucléaire civil au prisme des Etats-Unis : première centrale soviétique en 1954, américaine en 1958, française en 1964 (à Chinon dans l’Indre-et-Loire)…

La France est citée en exemple, à plusieurs reprises, mais aussi la Suède, l’Allemagne, le Japon, l’URSS puis la Russie. Tout en subjectivité, le commentaire affirme que l’uranium U92 est « une source d’énergie naturelle » et utilise le terme d’« énergie propre ». Ce flash-back permet aussi au réalisateur de rappeler sa convergence d’opinion avec les présidents Eisenhower et Kennedy, qui ont exprimé en public leur soutien à l’énergie nucléaire.

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Après que les bombes sur Hiroshima et Nagasaki – qualifiées ici de « péché originel » – ne révèlent au monde l’horreur de ces armes et génèrent peur et répulsion des populations – excessives, selon Oliver Stone –, les catastrophes de Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) vont entretenir l’aversion du grand public pour l’énergie nucléaire. Oliver Stone dénonce alors avec acuité la manipulation de l’opinion, par le lobbying des « 7 sœurs », les majors du pétrole (Exxon, Shell, Gulf, BP, Chevron, Mobil et Texaco) ; le téléspectateur, lui, regrette, que les bilans humains et environnementaux des accidents de Tchernobyl et de Fukushima soient minimisés. Quoi qu’il en soit, « le pessimisme de l’opinion publique atteint dès lors un point critique ». Le Japon ferme ses centrales.

Subjectivité regrettable

La seconde moitié du film va s’employer à redresser la barre. D’abord, en faisant un état des lieux intéressant, car mondialisé, des énergies fossiles et des politiques énergétiques de l’Inde, de la Russie, de la Chine. Oliver Stone cible les délocalisations : « La Californie se targue d’avoir un Etat propre, mais c’est la Chine qui brûle son charbon ». Il insiste : « La Chine et les Etats-Unis représentant la moitié des émissions mondiales de carbone, la clé de la décarbonation dépend de ces deux pays. »

La dernière partie, sur les avancées scientifiques du nucléaire civil, en revanche, déçoit. Le cinéaste admettant ne rien y connaître, ses enthousiasmes successifs pour les microréacteurs ou pour la fusion nucléaire (au stade de la recherche) lassent. Au lieu de cela, alors que la décarbonation de l’économie mondiale impose de réduire nos consommations et de développer les énergies éoliennes, hydrauliques et solaires, la sobriété n’est pas évoquée une seule fois. Et les énergies renouvelables ne sont traitées qu’en insistant sur leurs limites.

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Une subjectivité regrettable au regard de l’enjeu. En effet, entre les effets de plus en plus visibles du changement climatique et la coupure des gazoducs russes après l’invasion de l’Ukraine, « le nucléaire regagne du terrain dans le monde, chez les dirigeants politiques comme dans l’opinion », lit-on dans Le Monde. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ne dit pas autre chose, en classant l’atome parmi les solutions possibles pour décarboner la planète. Nous n’avons plus le temps de polémiquer.

Nuclear Now, d’Oliver Stone (E-U, 2022, 100 min).

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