vendredi, septembre 20

Plusieurs constructeurs automobiles européens ont demandé à Bruxelles jeudi des aides d’urgence pour s’adapter au durcissement des normes d’émissions de CO2.
En 2025, la moyenne annuelle d’émissions par voiture vendue devra baisser, faute de quoi il faudra s’acquitter de lourdes amendes.
Certains constructeurs estiment que cet objectif est impossible, mais la réalité est bien plus complexe. Explications.

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La voiture électrique, le véhicule de demain ?

Treize milliards d’euros. C’est le chiffre lâché par certains constructeurs automobiles européens pour évaluer les amendes auxquelles ils s’exposeraient s’ils ne respectaient pas les nouvelles normes CO2 pour leurs voitures en 2025. Une somme qui fait beaucoup parler, et jeudi encore, plusieurs d’entre eux ont officiellement demandé à Bruxelles « des mesures d’aides urgentes » pour se mettre au pas du règlement européen adopté en 2019.

En 2025, la moyenne annuelle d’émissions par voiture vendue devra passer sous la barre des 93,6 grammes de CO2/km. Il s’agit bien d’une moyenne annuelle et non du seuil à atteindre pour chaque voiture : sur tout son parc automobile, un constructeur devra donc mêler voitures thermiques, voiture hybrides et voitures électriques (dont le niveau d’émission est de zéro gramme de CO2/km) pour être, en moyenne, sous ce seuil. 

Un dispositif dont l’échéance est connue depuis cinq ans

« Mais chaque constructeur a aussi un objectif individuel qui dépend de la masse moyenne des voitures vendues, précise Jean-Philippe Hermine, directeur de l’institut Mobilités en transition. Plus les constructeurs vendent de grosses voitures, plus leur seuil est bas. Inversement, les constructeurs qui mettent sur le marché des petits modèles auront un seuil à atteindre plus élevé que cette moyenne annuelle. » C’est le cas de Renault ou Stellantis, par exemple, dont le seuil sera compris entre 96 et 97 grammes de CO2/km. 

Ce n’est pas une surprise pour les constructeurs, puisque le règlement européen date de 2019 et qu’une première limitation (norme dite CAFE pour Corporate Average Fuel Economy) est intervenue sans encombre en 2020/2021. Comme dans d’autres secteurs industriels, ils pourront aussi s’allier à d’autres constructeurs plus performants pour atteindre leurs objectifs : ainsi, Honda et Jaguar se sont regroupés avec Tesla pour ne pas payer d’amendes.

L’objectif est d’encourager les constructeurs à vendre moins de voitures thermiques, mais aussi à baisser les prix de leurs modèles électriques ou à élargir leur offre vers des plus petits véhicules, deux tendances clairement amorcées depuis un an.

Ces constructeurs ne peuvent pas faire porter sur les épaules des seuls consommateurs les difficultés à respecter ces règles connues depuis cinq ans.

Un analyste, spécialiste du marché automobile

Pourtant, certains sont inquiets et mettent en avant la baisse des ventes de voitures électriques constatées en Europe pour justifier leur incapacité à baisser leurs émissions au niveau de ce seuil. Selon les chiffres publiés jeudi par l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA), le marché automobile européen a chuté au mois d’août (-18,3% sur un an), en raison notamment de la morosité des marchés allemand, français et italien.

« Mais ces constructeurs ne peuvent pas faire porter sur les épaules des seuls consommateurs les difficultés à respecter ces règles connues depuis cinq ans, observe un analyste. D’autant que d’autres arrivent à les gérer sans grande difficulté. »

Des questions de choix de stratégie commerciale et industrielle sont également en cause. Renault, par exemple, a arrêté de produire certains modèles électriques, comme la Zoé en 2024, alors que la R5 électrique n’est pas encore arrivée sur le marché. Résultat : « C’est le trou d’offre, le constructeur manque de véhicules électriques à vendre« , poursuit cet analyste. Pour être dans les clous, le constructeur devrait vendre 12 à 14% de véhicules électriques en 2024 – une performance atteinte en 2023 -, puis 18% en 2025. 

Renault et Volkswagen pour un report, les autres pour avancer la date « bilan » du dispositif

Au niveau européen, ce sont principalement Renault et Volkswagen qui poussent pour revenir sur le calendrier des nouvelles normes. Le PDG de Renault, Luca Di Meo, également président de l’ACEA, a ainsi tenté de convaincre à plusieurs reprises les autres constructeurs d’envisager un report de deux ans de l’application de ces nouveaux seuils. En vain : ceux-ci s’en tiendront simplement à demander des aides supplémentaires pour dynamiser le marché, mais aussi d’avancer la date à laquelle le bilan de ce dispositif doit être fait, aujourd’hui fixée à 2026 pour les véhicules légers et 2027 pour les véhicules lourds.

Certains, comme Stellantis, sont même sortis de l’ACEA : le constructeur a adapté sa stratégie d’offre commerciale et industrielle pour être dans les clous pour respecter les dispositions européennes. « Tout le monde connaît les règles depuis longtemps, tout le monde a eu le temps de se préparer, et donc maintenant, on fait la course« , a ainsi déclaré à l’AFP son PDG Carlos Tavares. Ses 15 marques, de Peugeot à Fiat, respecteront les seuils, a-t-il encore assuré.

Pour les experts, la trajectoire devrait être maintenue : d’abord, pour respecter les objectifs climatiques de l’Union européenne, ensuite pour maintenir le tissu industriel européen. « Retarder les échéances n’est pas la solution, car cela conduirait l’industrie européenne à accroître encore son retard sur les nouvelles technologies de transition (batteries et voitures électriques) par rapport à la Chine« , explique ainsi Jean-Philippe Hermine. 

D’autant que selon une étude menée par le groupe de réflexion Transport & Environnement, les ventes de voitures électriques pourraient rebondir en Europe en 2025 et atteindre entre 20% et 24% des ventes de voitures neuves, notamment avec la mise sur le marché de nouveaux modèles plus abordables.

Pour accélérer le déploiement des voitures électriques, les constructeurs misent aussi sur le déploiement des réseaux de recharge, mais aussi sur des dispositifs d’aides publiques, tel que le leasing social en France et les bonus écologiques, que le gouvernement de l’ancienne majorité prévoyait de reconduire. Reste à savoir ce qu’en fera le nouveau Premier ministre Michel Barnier et son futur gouvernement.


Marianne ENAULT

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