dimanche, juin 30

Reléguée au second plan de l’actualité en raison de la campagne des élections législatives, la situation en Nouvelle-Calédonie reste éminemment préoccupante. L’archipel, qui vit sous un déploiement policier massif depuis le déclenchement des émeutes à la mi-mai, qui ont fait neuf morts et entraîné des dégâts matériels considérables, connaît depuis quelques jours un nouvel accès de violence.

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Le calme très relatif auquel chacun s’était engagé a été rompu dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 juin après que onze militants indépendantistes ont été mis en examen et sept d’entre eux immédiatement transférés dans l’Hexagone pour y être incarcérés. Parmi eux figure Christian Tein, le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), un collectif informel soupçonné d’avoir organisé le soulèvement et commandité ses violences en réaction au vote à Paris de la réforme du corps électoral que la population autochtone kanak contestait. A l’annonce de ce transfèrement, les troubles sur l’île ont repris et ont pour la première fois gagné tout le territoire. La CCAT, qui dénonce les « tactiques coloniales » de la France, exige désormais « la libération et le retour immédiat » de ses militants pour qu’ils soient « jugés sur leur terre ».

Retour de la brutalité

Dans le climat d’extrême tension qui règne sur le « Caillou, il était acquis que le transfèrement à 17 000 kilomètres de l’archipel, au risque d’enfreindre les règles du procès équitable, de ces sept hommes et femmes répartis dans sept établissements pénitentiaires différents, enclencherait un nouvel épisode de violence. Il faut remonter à la tragédie d’Ouvéa, en 1988, pour retrouver pareille décision : les Kanak accusés d’avoir pris en otage des gendarmes et tué quatre d’entre eux avaient été incarcérés en métropole avant de bénéficier d’une procédure d’amnistie.

Le procureur à l’origine de la décision prise samedi 22 juin invoque la nécessité de poursuivre les investigations « hors de toute pression ou concertation frauduleuse ». La procédure relève de la lutte contre la « criminalité organisée » et comporte parmi les chefs d’accusation celui de « complicité de tentative de meurtre » en raison de tirs sur les forces de l’ordre.

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Stupéfaits de n’avoir été avisés du transfèrement de leur client qu’à la toute fin des audiences, alors que l’avion était déjà prêt à partir, les avocats des mis en détention s’indignent en retour de la brutalité et de la disproportion de la décision puisque aucune qualification terroriste ou de crime de sang n’a été retenue. Ils s’indignent en particulier du cas de Brenda Wanabo, chargée de la communication de la CCAT, qui a été éloignée à Dijon alors qu’elle est mère de trois enfants, dont un en bas âge. Tout, à leurs yeux, accrédite l’existence d’une justice d’exception, d’une justice politique.

Plutôt que d’expliquer, la chancellerie s’est murée dans le silence, renvoyant à une « décision prise par un magistrat du siège, totalement indépendant ». Le contentieux, sur place, est d’autant plus lourd qu’il s’inscrit dans le cadre d’une gestion du dossier calédonien délibérément tendue : plutôt que de favoriser les palabres entre Kanak et loyalistes pour tenter d’esquisser un chemin après l’expiration des accords de Nouméa de 1998, Emmanuel Macron n’a cessé de brusquer les étapes, en cherchant à nouer d’impossibles deals entre les courants les plus extrêmes, ce qui a conduit à une situation de préguerre civile. Marginalisés, les modérés ne peuvent que constater l’étendue des dégâts. Mercredi 26 juin, le Conseil des chefs coutumiers kanak de Nouvelle-Calédonie a, à son tour, déploré « une justice à deux vitesses » en pointant les membres des « milices » loyalistes qui ne sont pas inquiétés. Comment, dans un tel climat, ne pas redouter le pire ?

Le Monde

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