mardi, octobre 22

Newt Gingrich adore parler de Newt Gingrich. L’écouter, c’est observer un carnivore évoquant ses plus somptueux banquets passés. Ses paupières pèsent sous les années, son pas s’est ralenti. Mais l’ancien président de la Chambre des représentants (1995-1999), qui nous reçoit dans ses bureaux modernes d’Arlington (Virginie), a conservé un air de plante succulente, épanouie en milieu hostile. Dans cette droite américaine sortie de son axe, livrée aux extrémistes sans mémoire ni principes, il continue d’exhiber, dans les médias conservateurs, un mélange de virtuosité intellectuelle et de goût adolescent pour le combat de rue.

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« Je suis le même à 80 ans qu’à 8 ans. Je me lève le matin en me demandant comment je pourrais influencer le pays. Je me suis toujours identifié aux adultes, même étant enfant. A 4 ans, j’ai vu mon arrière-grand-père mourir, et j’ai compris la finalité de l’existence, qu’il fallait remplir. Un jour, la femme de mon père biologique m’a demandé pourquoi je n’allais pas jouer dehors avec les autres gamins. Ça ne m’intéressait pas, je lisais un livre sur la paléontologie des vertébrés. » A 11 ans, Newt Gingrich s’est présenté devant le conseil municipal de Harrisburg (Pennsylvanie), pour plaider en faveur de l’ouverture d’un zoo, avec un plan de financement. Est-ce du monde animal que vient sa vision de la politique, nécessitant un manuel de survie, un couteau bien aiguisé pour le gibier et de sacrées chaussures de marche ?

Newt Gingrich fut l’un des premiers à croire en la reconversion politique de Donald Trump. En 2015, le magnat de l’immobilier new-yorkais, alors animateur de télévision, est alors raillé par les élites de Washington. « J’ai vu en lui un homme qui comprenait instinctivement que la gauche était à la fois bizarre et, au bout du compte, en échec complet. Il avait le cran de les attaquer frontalement, et il était vraiment bon, comme vendeur. » Un hommage en forme d’autobiographie cachée. Si Newt Gingrich est un passionné d’histoire – notamment de la seconde guerre mondiale –, là où Donald Trump se passionne pour l’argent, le catch et son handicap au golf, les deux hommes ont en réalité un point commun : la transgression. Chacun à leur façon, ils ont brutalisé le Parti républicain, en lui imposant des méthodes inédites.

L’avènement impromptu de Trump en 2015-2016, puis la lente absorption du parti par son mouvement Make America Great Again (MAGA) ne constituent pas des anomalies. Ils trouvent leur logique dans le temps long, à travers les décennies. Il est difficile de déterminer une rupture décisive dans la mue du Parti républicain. Le Grand Old Party a été fondé dans les années 1850 par des hommes politiques engagés dans la lutte contre l’esclavage. Or, un siècle plus tard, ce même parti d’Abraham Lincoln courtisait les Etats du Sud américain, crispés par la fin des discriminations raciales (Civil Rights Act de 1964).

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