Une fenêtre sur le monde et un monde en soi. Le taxi qu’a conduit Joseph Rodríguez pendant dix ans, de 1977 à 1987, lui a offert un point de vue unique sur la ville de New York et ses habitants, ses avenues chics comme ses bas-fonds, ses businessmans, ses mannequins, ses familles, ses prostituées et ses sans-abri. C’est grâce à sa voiture jaune de location que l’Américain a payé ses études de photographie, mais aussi qu’il a réalisé sa première série, avant d’enchaîner sur une longue carrière surtout tournée vers les communautés marginalisées : les Latinos du quartier de Harlem, les gangs de Los Angeles ou les jeunes délinquants incarcérés – des séries actuellement exposées dans le cadre d’une rétrospective au Fotomuseum de Maastricht, aux Pays-Bas.
Elevé dans une famille dysfonctionnelle de Brooklyn qu’il n’a cherché qu’à fuir, Joseph Rodríguez, aujourd’hui âgé de 73 ans, a lui-même connu la rue, la drogue et la prison. La période où il commence à faire le taxi est pour lui un moment de bascule : après un séjour derrière les barreaux, il décide de rompre avec ses mauvaises fréquentations, se débarrasse de son addiction à l’héroïne et reprend ses études.
De 4 heures du matin à 16 heures, dans ce New York des années 1970 et 1980 encore plombé par la crise économique, la criminalité et les tensions raciales, il conduit. Et recueille, de cette petite bulle jaune, les joies et les peines des habitants de toutes les classes sociales. « Un taxi devient le lieu où écouter des histoires. Et aussi le cabinet du psychiatre. Les gens ont tant à raconter », écrit-il dans Taxi : Journey Through my Windows, 1977-1987 (powerHouse Books, 2020, non traduit).
15e Rue, 4 h 30 du matin
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