samedi, mai 18
L’écrivain Edouard Louis.

« Monique s’évade », d’Edouard Louis, Seuil, 180 p., 18 €, numérique 14 €.

Edouard Louis venait de renvoyer à son éditeur les épreuves de Combats et métamorphoses d’une femme (Seuil, 2021) quand il a reçu un appel de sa mère, Monique. Celle-ci, dont le manuscrit tout juste ­finalisé retraçait l’émancipation, confia à son fils que l’homme avec lequel elle ­vivait l’humiliait et l’insultait, comme l’avaient fait ses précédents compagnons.

Immédiatement, Edouard Louis, qui était en résidence d’écriture à Athènes, a exhorté sa mère à partir au plus vite. Dès le lendemain, il l’a aidée à organiser sa fuite, a mis son appartement parisien à sa disposition, lui a commandé taxis et repas, s’est concerté avec sa sœur pour préparer la suite. Il n’était plus temps de modifier le texte sur le point d’être publié. Est ainsi paru, en avril 2021, un livre dont les dernières pages laissaient Monique à l’aube d’un avenir radieux, alors même que sa protagoniste était occupée à livrer un nouveau combat, à traverser une métamorphose supplémentaire.

Celle-ci fait aujourd’hui l’objet d’un autre livre. Monique s’évade s’ouvre sur le coup de fil nocturne de l’héroïne à son fils. Lequel, retraçant la fuite de sa mère, n’écrit rien de la dissonance entre ce qui advenait dans la vie et ce que racontait alors son livre. Interrogé à ce sujet par « Le Monde des livres », Edouard Louis explique qu’il avait commencé par l’évoquer, puis a renoncé, parce que cela « coupait l’élan » du texte qu’il espérait d’« un souffle », et parce que cela semblait les placer, lui et ses préoccupations d’auteur, au centre, quand il voulait y installer sa seule mère, se « mettre au ­service » de celle-ci et de son histoire.

Locutions conjonctives

C’est elle, du reste, qui lui a suggéré de donner une suite à Combats et métamorphoses d’une femme : « J’ai encore beaucoup changé. Il faudra que tu l’écrives un jour ! » Monique s’évade revendique ainsi d’être un texte que l’on pourrait dire de commande. Mais pas de doute : à l’écriture, celui qui tient la barre est bien Edouard Louis. Il fait droit à la singularité de la personnalité et de l’histoire de Monique tout en continuant, inlassablement, à mettre au jour le système de domination de classe et de genre dans lequel cette ­dernière s’inscrit.

Ennemi déclaré de l’implicite qui pourrait servir à jeter un voile pudique sur les logiques de violence à l’œuvre, il recourt volontiers aux locutions conjonctives : le texte abonde en « parce que », « puisque », « donc », manière de mettre à plat l’enchaînement d’événements et circonstances qui mène à l’oppression ou la reconduit – ainsi quand le fait de vivre en concubinage prive Monique d’une aide sociale, et la rend dépendante de l’homme avec lequel elle habite.

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