Un rapport publié mercredi pointe le retard de la France dans le recyclage de ses déchets métalliques.
Des « mines urbaines » cruciales pour certains métaux comme le cuivre.
En France, sur les 218.000 tonnes de déchets de cuivre collectées chaque année, seules 66.000 sont recyclées sur le territoire.
Mention « peut mieux faire ». Alors que les métaux et autres déchets métalliques comme le cuivre ou le lithium sont au cœur des enjeux pour la transition écologique, la France est à la traîne pour leur recyclage (nouvelle fenêtre). C’est ce que pointe un rapport publié mercredi 20 novembre par le cabinet de conseil Oliver Wyman. Selon le document, Paris pourrait mieux exploiter ses « mines urbaines », soit le recyclage de ses déchets métalliques.
Selon les chiffres de l’étude, la France est le pays d’Europe dont les exportations nettes de ces déchets sont les plus élevées : six millions de tonnes en 2021, recyclées en Belgique, en Allemagne ou en Italie. Exemple le plus frappant du manque de réutilisation de ces métaux dans l’Hexagone : le cuivre, crucial pour la transition énergétique (nouvelle fenêtre), issu du démantèlement de réseaux électriques, de démolitions de bâtiments ou d’épaves de voitures.
218.000 tonnes de déchets pour 6000 tonnes recyclées
Selon les chiffres d’Oliver Wyman, la France industrielle consomme 257.000 tonnes de cuivre par an, notamment pour fabriquer les câbles électriques, stratégiques pour l’électrification des usages afin de remplacer les énergies fossiles, principales responsables du changement climatique (nouvelle fenêtre). Ces activités engendrent 218.000 tonnes de déchets chaque année dont seulement 6000 tonnes sont recyclées sur le territoire.
Des chiffres qui montrent l’ampleur des enjeux, l’Ademe estimant, dans sa synthèse sur le potentiel d’amélioration du recyclage des métaux publiée en décembre 2023 (nouvelle fenêtre), que « les demandes européennes de cuivre et d’aluminium augmenteront annuellement de 1% et de 1,4% entre 2018 et 2030 ». Ainsi, pour prendre l’exemple du cuivre, doubler son recyclage en France pourrait « réduire de 3% » le déficit commercial du pays, affirme à l’AFP Eric Confais, associé du cabinet Oliver Wyman. Un chiffre non négligeable à l’heure où le gouvernement tente de réduire son déficit budgétaire (nouvelle fenêtre).
Pour tenter de mieux recycler le cuivre et les autres métaux stratégiques, des projets se développent dans l’Hexagone. En octobre, le fabricant de câbles industriels Nexans a annoncé investir plus de 90 millions d’euros pour agrandir son usine de recyclage de cuivre à Lens, dans le Pas-de-Calais. Un projet qui doit sortir de terre d’ici 2026 et doit lui permettre d’augmenter sa production de métal rouge de plus de 50% et recycler « jusqu’à 80.000 tonnes de cuivre par an », selon le groupe.
Des projets… mais un manque de débouchés
Totuefois, au-delà de la question du cuivre, les volontés de recyclage pour les métaux et déchets métalliques pâtissent du manque de développement des filières. En octobre, et après Stellantis en septembre, le groupe Eramet a annoncé la suspension de son projet d’usine de recyclage de batteries de véhicules électriques dans le nord de la France.
En cause : un manque de marché en Europe et de débouchés pour les métaux issus de ce recyclage. Pourtant, l’entreprise bénéficie de brevets novateurs pour extraire des métaux critiques des batteries usagées et comptait sur ce projet de recyclage pour lancer ses futures « mines urbaines » en Europe.
Des mines d’autant plus indispensables que les métaux comme le cuivre, le lithium, le nickel ou le cobalt font face à une explosion de la demande, mettant sous tension la disponibilité de ces ressources, partout dans le monde. Mi-mai, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a d’ailleurs averti d’un risque de tension sur l’approvisionnement (nouvelle fenêtre), voire de possibles pénuries de cuivre ou de lithium.
Assurer 50% de la demande mondiale
Seule solution selon les spécialistes : développer le recyclage de ces matériaux. Dans un rapport sur la compétitivité, l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, affirme que la circularité des métaux pourrait répondre, à elle seule, à 50% de la demande mondiale à terme. D’autres estiment que ce recyclage pourrait peser 10 à 15% du PIB des pays développés d’ici une quinzaine d’années.
Dans son dernier rapport sur le sujet, publié le 18 novembre (nouvelle fenêtre), l’AIE estime quant à elle que le développement du recyclage pourrait réduire de 40% la demande dans les mines « naturelles » pour le cuivre et le cobalt et de 25% pour le lithium et le nickel d’ici 2050.
« Le recyclage est essentiel pour relever les défis liés à l’approvisionnement en minerais critiques et assurer la durabilité à long terme, estime Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. Alors que nous entrons dans l’ère de l’électricité, nous devons tirer parti de ce trésor de batteries et d’appareils électriques usés qui pourraient être ravivés et réutilisés, mais pour ce faire, nous devons développer un marché mature pour le recyclage afin de le rendre attractif et facilement accessible ».
Grâce à ces circuits de recyclage, les tensions sur les métaux stratégiques pourraient être maîtrisées. Selon le groupe de réflexion américain RMI, concernant les besoins en matériaux pour les batteries de voitures électriques, avec l’amélioration des techniques de recyclage, la demande pour des minéraux vierges destinés à ces équipements pourrait être nulle d’ici 2040.
Les « mines urbaines », pourraient alors suffire aux besoins du marché dans ce domaine et permettre aux pays européens de garantir leur souveraineté stratégique. Car aujourd’hui, l’extraction de ces métaux si précieux est largement concentrée entre les mains de quelques pays : 40% du cuivre est, par exemple, assurée par le Chili ou le Pérou et la Chine détient, à elle seule, plus de 70% des opérations pour le pré-traitement et la récupération des matériaux. Une domination qui devrait se poursuivre, au moins, jusqu’en 2030.