Parmi les très nombreux dossiers qui attendent Michel Barnier : les arbitrages budgétaires et le vaste chantier de la transition énergétique.
Ancien ministre de l’Environnement, Michel Barnier a laissé une loi à son nom, qui a érigé des principes fondateurs en règle.
Dans une interview accordée en 1993, il se disait convaincu que « plus d’environnement », c’était « plus d’emplois » et défendait l’idée d’une « croissance qualitative ».
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Michel Barnier nommé Premier ministre après 51 jours d’attente
Au terme d’un suspense qui aura finalement duré 51 jours, Emmanuel Macron a donc choisi jeudi de nommer Michel Barnier à Matignon et de constituer « un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français. » Première urgence pour le nouveau Premier ministre : le budget, censé être présenté avant le 1ᵉʳ octobre.
Parmi les arbitrages à venir, nombreux sont les acteurs qui regarderont de près la composition des différentes enveloppes, et les nouveaux coups de rabot à venir. Notamment du côté de la transition écologique : les lettres plafonds envoyées par Gabriel Attal ces dernières semaines prévoyaient des coupes dans les fonds alloués à la rénovation énergétique, aux collectivités territoriales pour mener la transition, à l’Ademe, etc.
Autre chantier pour Michel Barnier : écrire la stratégie de la France en matière d’énergie et d’adaptation. Plusieurs documents cadres sont attendus depuis plusieurs semaines : stratégie nationale bas-carbone, programmation pluriannuelle de l’énergie et plan nationale d’adaptation au changement climatique. Documents qui doivent préciser la part réservée aux énergies renouvelables ces prochaines années.
Ministre de l’Environnement, il voulait supprimer les décharges et dépolluer les villes
Michel Barnier et l’environnement ? Le sujet n’est pas un domaine inconnu pour le nouveau Premier ministre : ce dernier a été ministre de l’Environnement dans le gouvernement d’Edouard Balladur de 1993 à 1995.
Dans une interview accordée à La Revue des Deux Mondes en octobre 1993, Michel Barnier formulait un vœu : que le ministère de l’Environnement soit « respecté et associé ». Il souhaitait alors que « l’environnement cesse d’être un sujet de confrontation pour devenir un sujet de concertation ».
Concrètement, le ministre souhaitait « supprimer les décharges d’ici à l’an 2002 », « réduire à zéro les effets des déversements toxiques [dans l’eau] d’ici à cinq ans » et « d’atteindre un taux de dépollution des villes de 70% à la fin de la décennie ». Des objectifs ambitieux mais… pas atteints : en 2021, 97% des personnes habitant dans des zones urbaines étaient exposées à des concentrations de particules fines dépassant les normes de l’OMS.
Le principe du pollueur-payeur
De son passage au ministère de l’Environnement, Michel Barnier a laissé un texte à son nom : la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite Loi Barnier donc. Un texte fondateur puisqu’il a érigé les principes généraux du droit de l’environnement (principe de précaution, principe de prévention et principe du pollueur-payeur) en règle générale, a contribué à la reconnaissance des risques naturels pour les biens et les personnes, à une fiscalité sur les espaces maritimes protégés et au débat sur l’écologie via la création de la Commission nationale du débat public (CNDP).
C’est aussi un nom que connaissent les victimes de catastrophes naturelles, et les collectivités territoriales, indemnisées via le Fonds Barnier. Dans un communiqué diffusé jeudi, Greenpeace reconnait d’ailleurs « l’intérêt sincère » du nouveau Premier ministre « pour les problématiques environnementales » (avant de douter de sa capacité à faire quelque chose).
Un bilan côté agriculture aussi
Sur ces sujets-là, un autre pan de son bilan est évoqué jeudi, réalisé cette fois au ministère de l’Agriculture entre 2007 et 2009. L’association Générations Futures dit ainsi « admettre que Michel Barnier en tant que ministre de l’Agriculture a su résister aux pressions, notamment celles de la FNSEA, durant les négociations du Grenelle sur les pesticides ». « Il a maintenu les objectifs de réduction des pesticides du Plan EcoPhyto […] À cette époque, il avait également ouvert son ministère aux associations environnementales, rompant ainsi avec la seule cogestion traditionnelle entre l’État et les syndicats agricoles dominants », écrit encore l’association.
Or, c’est un sujet sur lequel le nouveau Premier ministre sera aussi attendu : le texte censé répondre à la colère agricole étant resté au milieu du gué en raison de la dissolution. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont d’ailleurs rapidement appelé jeudi le nouveau Premier ministre à « placer l’agriculture dans les priorités immédiates de son gouvernement ».
Contre les éoliennes en 2021
Un sujet évoqué en 2021 par l’intéressé, lors de la campagne pour la primaire de la droite. « On réduira la pollution agricole avec les agriculteurs, pas contre eux », avait-il ainsi déclaré. Toujours sur le sujet environnemental, le candidat d’alors proposait de « décarboner l’économie », de lancer « un grand plan national d’isolation des logements », de « relancer » le nucléaire et d’investir dans les énergies renouvelables, à l’exception de l’éolien qui, assurait-il alors, « fait beaucoup de dégâts ».
Trois ans plus tard, qu’en pense-t-il ? Le nouveau Premier ministre devrait donner rapidement ses priorités et en attendant, les associations soulignent que le monde a changé (entre les années 1990 et son côté « précurseur » sur le sujet environnemental et 2024, avec des conséquences en série liées au changement climatique). Ainsi, « Greenpeace France doute de sa capacité à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle », soulignant une nomination qui s’inscrit « dans la continuité d’une politique ultra-libérale ». « Avec Michel Barnier comme premier ministre, les espoirs de mettre la justice sociale et environnementale en haut du calendrier politique sont bien minces », réagit encore son directeur général Jean-François Julliard.
Dans son interview de 1993, Michel Barnier disait vouloir que l’environnement « soit pris en compte dans toutes les politiques publiques, qu’il s’agisse d’industrie, d’équipement, d’aménagement du territoire, d’agriculture, de santé et naturellement d’économie ». Et d’ajouter : « Si la protection de l’environnement a aujourd’hui un coût, l’inaction ou l’indifférence auront au coût bien plus lourd dans quelques années. »
« Je suis convaincu que plus d’environnement, c’est plus d’emplois », affirmait-il, plaidant pour une « croissance qualitative » prenant en compte le cadre de vie. Des propos que les acteurs de la transition écologique ne devraient pas manquer de lui rappeler.