mardi, novembre 26

Incarcérée depuis un an et demi et la mort de Youssef Mastari, son compagnon, Cathy Belery a reconnu l’avoir tué.
Mais elle affirme qu’il s’est empalé lui-même sur le couteau qu’elle tenait pour se défendre pendant une énième dispute.
Le magazine de TF1 « Sept à Huit » révèle comment le couple en est arrivé à un tel drame.

Suivez la couverture complète

Sept à huit

Le lundi 3 avril 2023, Cathy Belery et Youssef Mastari n’auraient pas dû se trouver ensemble. L’homme avait été condamné en mars 2022 à dix mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pour violences conjugales, avec interdiction d’entrer en contact avec son ex-compagne. C’est pourtant au domicile de celle-ci, à Vaux-sur-Seine (Yvelines), que le quinquagénaire a perdu la vie ce soir-là, après avoir été grièvement blessé à l’arme blanche. Incarcérée puis mise en examen dès l’ouverture de l’enquête, elle n’a de cesse, depuis, de plaider la légitime défense, alors qu’elle encourt jusqu’à 20 ans de réclusion, non plus pour meurtre, mais désormais pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Mehdi a grandi dans cette commune de 5.000 habitants au nord-ouest de Paris. Ami d’enfance de Youssef, il n’ignore rien du parcours cabossé de ce dernier : mort de son père quand il avait 18 ans, décès de sa première compagne d’une crise cardiaque, retour chez sa mère après avoir perdu son travail de menuisier il y a une dizaine d’années… « Le Youssef que je connais était très gentil, témoigne-t-il auprès de TF1, dans l’enquête de « Sept à Huit » visible en tête de cet article. Malheureusement, il était tombé dans l’alcool. Mais sinon, il ne manquait pas de respect aux gens. C’était un bon mec. Il se promenait souvent dans la ville, il criait des blagues avec sa petite cannette. Franchement, il était vraiment drôle. »

« Je lui ai clairement dit de ne pas se mettre avec ça »

Cathy, 47 ans aujourd’hui, est, elle aussi, une enfant de ce quartier. Elle connaît Youssef depuis toujours et passe beaucoup de temps en sa compagnie dans un petit bistrot des alentours. En 2021, tous deux débutent une liaison. Que Gabin, le fils de Cathy né d’une précédente union, ne voit pas d’un bon œil, dès son commencement. « Souvent, Youssef était dans son coin, sans faire chier personne, mais arrivé à un certain degré d’alcool, forcément, il devenait fou, se souvient celui qui était alors âgé de 20 ans. J’en ai voulu à ma mère. Je lui ai clairement dit de ne pas se mettre avec ça. Et voilà où ça l’a menée… »

À l’époque, Youssef était déjà connu des services de police depuis de longues années, notamment pour des faits de violence sur la voie publique. Une brutalité qui se serait ensuite immiscée dans le huis clos de l’appartement de Cathy, aux fines cloisons. « Régulièrement, il y avait des altercations où ils étaient capables de se traiter de tous les noms, de jeter tout ce qui passait par les fenêtres. Poubelle, télé, table, casseroles… Des fois ça se calmait et puis hop, deux heures après, ça repartait. Et ainsi de suite. Les deux s’insultaient, il n’y en avait pas qu’un…. Après, avec l’alcool, ils se cherchaient même, en fait. Leur relation était comme ça, toxique », relate Tiphaine, une voisine du couple.

Des insultes, des jets d’objets, mais aussi des coups. « Ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est que, en plein été, Cathy était venue travailler avec un sous-pull à manches longues et col roulé, confie l’une de ses collègues de la maison de retraite, sous couvert d’anonymat. Et puis, en relevant la manche, j’ai vu les bleus et les marques d’empoignement. » Une autre collègue ajoute : « Au départ, elle avait toujours des excuses pour ne rien dire mais même les résidents se rendaient compte de son état. Moi, je lui ai posé des questions et, petit à petit, elle m’a avoué qu’elle se faisait battre. Je lui disais : ‘Cathy, si ça continue, il va te tuer.’ Elle ne pouvait pas prendre autant de coups sans finir par y rester un jour ou l’autre. »

Un soir de novembre 2021, Gabin est appelé par des voisins et se rend chez sa mère en urgence. « Dès que je suis entré dans le bâtiment, je l’ai entendue crier. Puis en montant, je l’ai découverte nue, complètement balafrée dans tous les sens, dégoulinante de sang de partout. Il y avait des touffes de ses cheveux dans la cage d’escalier. Elle m’a dit qu’il l’avait trainée par les cheveux jusqu’au rez-de-chaussée avant de remonter s’enfermer dans l’appartement, qui était dans un état pitoyable. Donc là, forcément, je suis devenu fou. Une bagarre a éclaté. Je l’ai frappé avec tout ce qui me tombait sous la main et lui aussi », rembobine-t-il.

Je l’ai planté parce qu’il m’a énervée, il m’a cassé la télé. Il me casse tout.

Cathy lors de son appel au Samu le soir du drame

Sur l’insistance de son fils, Cathy porte plainte pour violences conjugales. Elle le fera une seconde fois, cinq mois plus tard. C’est à ce moment-là que Youssef est condamné, avec interdiction de l’approcher. Mais les deux amants auraient continué à se voir, au bistrot et même au domicile de l’aide-soignante. « Elle se sentait démunie, elle me disait qu’elle l’aimait, reprend l’une des deux collègues. Donc voilà, il venait, grimpait sur un échafaudage, toquait aux carreaux et elle, qui ne voulait pas d’autres problème avec les voisins, elle se sentait obligée de lui ouvrir. » Cette situation durera un an. Jusqu’à la nuit du drame.

Aux enquêteurs, Cathy raconte que ce soir-là, comme souvent, Youssef est arrivé alcoolisé. Qu’elle aussi avait bu. Qu’encore une fois, une violente dispute a éclaté. Elle dit avoir été traînée par les cheveux. Que Youssef l’a frappée et maintenue par terre de force. Lui, agenouillé sur elle. Que c’est là qu’elle aurait saisi un couteau tombé au sol et que, dans la bagarre, Youssef se serait lui-même empalé dessus. Cathy appelle alors elle-même le Samu. Voici la retranscription de ce coup de téléphone, que TF1 a pu consulter : « Moi, j’ai pas mal mais lui, il a mal. (…) C’est moi qui l’ai planté. (…) Je l’ai planté parce qu’il m’a énervée, il m’a cassé la télé. Il me casse tout. (…) Il est arrivé bourré et voilà. (…) J’ai fait mal à monsieur. (…) Je me suis défendue. »

Ni l’autopsie, ni les constatations sur place n’ont permis de confirmer ou d’infirmer ses dires. « C’est un hasard si ce couteau s’est retrouvé non loin d’où elle était allongée sur le dos. Elle dit qu’elle s’en est saisi du bout des doigts, dans la seule idée de faire peur à son agresseur », souligne Me Sophie Asselin, l’avocate de Cathy. « Elle l’a frappé alors qu’il lui tournait le dos. Donc il ne s’est pas empalé et il n’était pas au-dessus d’elle, rétorque Me Yves Beddouk, l’avocat de la famille de Youssef. Présenter Mme Belery comme quelqu’un qui était sous emprise, sous domination, qui avait peur, c’est une fausse route. Ils se sont harcelés l’un l’autre. Il y a les relevés des opérateurs téléphoniques et je crois qu’on est à 1.500 ou 2.000 prises de contact de chaque côté ! Il suffisait qu’elle saisisse les services de police en disant qu’il ne respectait pas son obligation, ce qu’elle n’a jamais fait. »

Depuis sa cellule, en attendant de connaître la date de son procès, Cathy correspond encore régulièrement avec ses anciennes collègues. L’une d’elles a accepté de nous montrer sa première lettre. « C’est avec regret que je t’annonce que je ne viendrai plus travailler, peut-on y lire. Je suppose que les forces de l’ordre sont venues enquêter à mon sujet. J’espère que vous m’avez bien défendue. Une chose est sûre, j’aurais dû t’écouter. Plusieurs fois, tu m’avais dit de le quitter. Mais voilà, maintenant je suis au fond du trou, dans une putain de galère. Je vous embrasse. » Elle reste présumée innocente.


Hamza HIZZIR | Reportage « Sept à Huit » Marine COURTADE, Florent BARDOS

Partager
Exit mobile version